La participation : un accord gagnant-gagnant

Avocat associé, Barthélémy avocats
Maître de conférences HDR, Université Panthéon-Assas (Paris II)

La participation aux résultats de l’entreprise permet d’intéresser les salariés à la réussite économique de leur employeur. Même si le dispositif est obligatoire, le législateur incite les entreprises à y recourir en l’accompagnant d’un régime social et fiscal de faveur.

Inspirée de la pensée humaniste du général de Gaulle et des travaux du Conseil national de la Résistance, l’ordonnance sur « la participation des salariés aux fruits de l’expansion des entreprises » a été signée le 17 août 1967.  Près de 55 ans après, la participation est devenue le symbole d’une ambition forte de démocratie participative. Les textes récents (loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 et décret n° 2021-1122 du 27 août 2021) témoignent d’une volonté d’en faciliter la mise en place et d’en sécuriser les pratiques vis-à-vis des administrations.

Les sommes et avantages susceptibles d’être accordés par l’employeur à ses salariés sans être soumis à impôts ni à cotisations sociales révèlent toujours un objectif politique spécifique, que ce soit la défense de l’emploi ou du pouvoir d’achat. La participation aux résultats de l’entreprise, par laquelle une société distribue à ses salariés une partie des bénéfices réalisés au cours de l’exercice écoulé, ne déroge pas à cette règle. Ce dispositif incite les salariés à s’impliquer davantage dans l’activité de l’entreprise, puisqu’ils sont financièrement intéressés à sa réussite économique.

Pour s’assurer de l’application effective d’un tel dispositif, la loi manie la carotte et le bâton. Au titre du second, elle oblige à sa mise en place dans les entreprises (C. trav., art. L. 3322-1, al. 3) employant au moins 50 salariés (C. trav., art. L. 3322-2). Si la participation n’a pas été mise en place dans l’année suivant la clôture de l’exercice au titre duquel les droits des salariés sont nés, l’inspecteur du travail constate la situation (C. trav., art. L. 3323-5) et décide, sous réserve que l’entreprise ait dégagé un bénéfice fiscal suffisant pour permettre le calcul d’une réserve spéciale de participation 1, la mise en place d’un régime d’autorité. En deçà du seuil de 50 salariés, une entreprise peut volontairement mettre en place un régime de participation.

Au titre du premier, la loi exonère d’impôt sur le revenu les sommes affectées aux salariés « dans les conditions prévues à l’article L. 3323-2 » du Code du travail (C. trav., art. L. 3325-2). Le champ de l’exonération est étroit. Elle n’est acquise que pour les sommes versées au titre de la participation qui sont affectées « à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d’un plan d’épargne salariale » (C. trav., art. L. 3323-2). La loi prévoit aussi l’exonération de cotisations sociales pour les sommes réparties au titre de la réserve spéciale de participation. Ce champ d’exonération concerne également les sommes réparties au titre d’un régime conventionnel, éventuellement lorsque la participation est mise en place volontairement dans l’entreprise de moins de 50 salariés (C. trav., art. L. 3323-6).
En revanche, l’exonération de cotisations sociales est perdue lorsque les sommes sont versées en application du régime d’autorité 2,  mais aussi pour les sommes réparties sur le fondement d’un accord de participation qui ne sont pas versées « conformément aux dispositions de l’article L. 3324-5 » du Code du travail (CSS, art. L. 242-1, II, 2°). En outre, la faveur est limitée : les sommes sont soumises au forfait social, sauf dans les entreprises où, faute de franchir le seuil d’effectif, la participation a été mise en place volontairement (CSS, art. L. 137-15). 

L’accord de participation

Étendue de l’accord de participation

Entreprise. Toutes les entreprises (et également toute unité économique et sociale), quelles que soient la nature de leur activité et leur forme juridique, peuvent devoir mettre en œuvre un accord de participation. Seul un critère d’effectif restreint cette affirmation. Auparavant, la participation concernait celles qui employaient habituellement au moins 50 salariés pendant 12 mois consécutifs ou non, au cours des trois derniers exercices, quelles que soient la nature de leur activité et de sa forme juridique. Elles devaient obligatoirement mettre en place l’accord de participation. Dorénavant, l’obligation de mettre en place un accord de participation s’applique aux entreprises ou unités économiques et sociales d’au moins 50 salariés « à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la période des cinq années civiles consécutives mentionnées au premier alinéa du II de l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale » (article L.3322-1 du Code du travail).

Le principe est en réalité doublement impacté, puisque au-delà de la période de cinq ans, la règle de calcul de l’effectif est également modifiée, et il est impératif que les négociateurs s’en imprègnent. L’article L. 130-1 (nouveau) du Code de la sécurité sociale prévoit que « l’effectif salarié annuel de l’employeur, y compris lorsqu’il s’agit d’une personne morale comportant plusieurs établissements, correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente » (article 11 de la loi Pacte).

Dès lors, l’accord de participation :

• est obligatoire si le seuil est atteint ou dépassé pendant cinq années consécutives ;

• n’est plus obligatoire pendant de nouveau cinq années si le seuil a été franchi à la baisse pendant une année civile ;

• peut être appliqué volontairement pour une entreprise dont l’effectif n’atteint pas le seuil de 50 salariés ou l’atteint, mais pour une mise en œuvre avant les cinq années.

Bénéficiaires. Il n’est pas fait état de la nécessité de négocier quant aux bénéficiaires de l’accord de participation. Ce silence de la loi se comprend dès lors que la participation aux résultats de l’entreprise est générale ; elle profite à tous, y compris aux salariés détachés à l’étranger qui ne sont pas rémunérés en France 3. Il est permis d’intégrer dans l’accord de participation une condition minimale d’ancienneté – dans un tel cas, elle ne pourra pas excéder trois mois dans l’entreprise (attention ! Pour la détermination de l’ancienneté, il y a lieu de prendre en compte tous les contrats exécutés au cours de la période de calcul et ceux des 12 mois qui précèdent ladite période).

Les dirigeants (chefs d’entreprise, présidents, directeurs généraux, gérants ou membres du directoire) peuvent aussi profiter de la participation selon des règles qui ont évolué avec la loi Pacte. Les seuils d’effectif ont été réécrits. Sont désormais visées les entreprises d’au moins un et de moins de 250 salariés (C. trav., art.L. 3324-2). Attention ! Le bénéfice de la participation pour le dirigeant n’est pas automatique, l’accord doit le prévoir expressément.

Les négociations 

Type d’accord. Dès lors qu’une entreprise assujettie à l’obligation de mettre en œuvre un dispositif de participation a pu constituer une réserve spéciale à cette fin, un accord de participation doit être conclu avant l’expiration d’un délai d’un an suivant la clôture de l’exercice au titre duquel sont nés les droits des salariés (C. trav., art. L. 3323-5). 

L’accord peut être négocié selon quatre modalités, indépendantes de la taille de l’entreprise (C. trav., art. L. 3322-6). Il prend la forme :

• d’un accord collectif de travail de droit commun ;

• d’un accord conclu entre l’employeur et les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise (c’est-à-dire avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative dans l’entreprise). Attention ! Au moment du dépôt de l’accord sur la plateforme de téléprocédure, les documents déposés doivent mentionner que ces représentants ont la qualité de délégués syndicaux. à défaut, il convient de fournir le texte du mandat les habilitant à signer l’accord ;

• d’un accord conclu au sein du comité social et économique, par un vote positif sur le projet de l’employeur à la majorité des membres présents lors de la réunion du comité. Le secrétaire ou l’un des membres du comité peut être mandaté pour la signature de l’accord. Ce dernier est constaté par le procès-verbal de séance au cours de laquelle il a été conclu ; le procès-verbal sera joint en annexe à l’accord lors de son dépôt sur la plateforme de téléprocédure.

• d’un accord référendaire adopté sur la base d’un projet d’accord rédigé par l’employeur, sous réserve que lorsqu’ils sont présents, les organisations syndicales et le CSE 4 demandent l’organisation du vote, et qu’il soit ratifié à la majorité des deux tiers du personnel. Cette majorité s’apprécie par rapport à l’ensemble de l’effectif de l’entreprise au moment de la ratification de l’accord et non en considérant les seuls salariés ayant participé au vote. Les documents qui seront déposés sur la plateforme de téléprocédure doivent comporter soit l’émargement, sur la liste nominative de l’ensemble des salariés, des salariés signataires, soit un procès-
verbal rendant compte de la consultation.

En cas d’échec des négociations, ce qui doit pouvoir être démontré, l’employeur peut unilatéralement décider, sous réserve de la consultation du CSE, la mise en place d’un dispositif de participation qui bénéficie du régime social et fiscal de faveur (C. trav., art. L. 3323-6, al. 3 et 4).

En outre, la loi oblige les branches à négocier des accords types d’épargne salariale, qui portent donc notamment sur la participation. L’accord de branche doit fixer des règles que les entreprises peuvent décider d’appliquer, ou proposer des options entre lesquelles elles sont autorisées à choisir (C. trav., art. L. 3322-9,
al. 3). Dans un cas comme dans l’autre, il est exclu que les entreprises y apportent des adaptations (C. trav., art. D. 2232-1-6). Le recours à l’accord type suppose son agrément par le ministre chargé du Travail (C. trav., art. D. 3345-6) et la volonté de l’appliquer exprimée par une entreprise de la branche. Un acte d’adhésion est ainsi toujours nécessaire. 

Dans une entreprise de moins de 50 salariés, une décision unilatérale d’adhésion exprimée par l’employeur suffit, complétée par l’information du CSE (et non sa consultation), s’il existe, sur les choix envisagés, et, par tout moyen, l’information des salariés préalablement à l’entrée en vigueur de sa décision (C. trav., art. L. 2232-10-1). Dans une entreprise d’au moins 50 salariés, la conclusion d’un accord respectant l’une des quatre modalités prévues pour tout accord de participation est nécessaire (C. trav., art. L. 3322-9, al. 2).

Clauses de l’accord. L’accord de participation précise la « base, les modalités de calcul, ainsi que les modalités d’affectation et de gestion de la participation » (C. trav., art. L. 3322-2, al. 2). S’agissant des bases et des modalités de calcul de la participation, l’accord fixe la formule de calcul de la réserve spéciale et les modalités permettant de déterminer le montant versé à chacun des bénéficiaires. Sur ce point, il est nécessaire de respecter le caractère aléatoire de la participation et le principe d’équivalence en vertu duquel le montant de la réserve spéciale de participation sera au moins équivalent à celui de la formule légale. En outre, le régime social et fiscal de faveur suppose le respect d’un montant maximal de réserve spéciale de participation. L’accord doit préciser le plafond retenu parmi les possibilités offertes par le législateur : la moitié du bénéfice net comptable ; le bénéfice net comptable diminué de 5 % des capitaux propres ; le bénéfice net fiscal diminué de 5 % des capitaux propres ; la moitié du bénéfice net fiscal (C. trav., art. L. 3324-2). S’agissant des modalités d’affectation de la participation, l’accord peut prévoir l’affectation des sommes à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d’un plan d’épargne salariale (C. trav., art. L. 3323-2). 

Par ailleurs, l’accord de participation détermine les conditions d’information des salariés (C. trav., art. L. 3323-1). À ce titre, il doit prévoir les moyens par lesquels les salariés sont informés de l’existence et du contenu de l’accord de participation (C. trav., art. D. 3323-12). L’accord de participation peut aussi prévoir les circonstences dans lesquelles le CSE (ou une commission de celui-ci) dispose des moyens d’information nécessaires sur ses conditions d’application (C. trav., art. L. 3341-5).

Enfin, en cas d’adhésion à un accord de branche, la norme d’entreprise doit préciser la ou les options proposées par l’accord de branche choisi ou, si l’accord de branche le prévoit, le contenu des choix laissés à l’entreprise (C. trav., art. D. 3345-7).

Le dépôt

Dépôt de l’accord de participation. L’accord de participation, comme ses éventuels avenants, est déposé par la partie la plus diligente auprès des services de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) du lieu où il a été conclu (C. trav., art. D. 3323-1).
Attention ! Le dépôt conditionne le bénéfice du régime fiscal et social de faveur (C. trav., art. L. 3323-4, al. 2). à défaut, l’accord s’applique, obligeant l’employeur à distribuer aux salariés le montant constituant la réserve spéciale de participation, sans exonération de cotisations sociales 5. C’est la raison pour laquelle, en cas de dépôt tardif, seules les sommes versées après cet évènement bénéficient de l’exonération 6. Celles versées avant intègrent l’assiette des cotisations sociales sans attendre la fin de la période d’indisponibilité 7.

Le dépôt conduit l’Administration à effectuer un contrôle de l’accord en la forme : formalités de dépôt, contrôle des modalités de négociation, de dénonciation et de révision. Dans un délai maximal d’un mois, la Dreets délivre un récépissé attestant du dépôt d’un accord valablement conclu (C. trav., art. D. 3345-2) ou accorde, à l’issue du délai, une validation implicite du texte. Elle peut aussi, le cas échéant, demander des pièces complémentaires ou formuler des observations à l’entreprise (C. trav., art. L. 3345-2, al. 2). Sauf régularisation par l’entreprise, au besoin en dénonçant ou enrévisant l’accord, la procédure de contrôle s’achève sans que le dispositif de participation puisse bénéficier d’une sécurisation juridique : les sommes versées aux salariés ne sauraient bénéficier de l’exonération de cotisations sociales.

Simultanément à la délivrance du récépissé ou, à défaut, au terme du délai, la Dreets transmet l’accord à l’Urssaf pour un contrôle au fond (C. trav., art. L. 3345-2, al. 3). L’Urssaf s’assure de la présence des clauses obligatoires et contrôle la conformité du dispositif aux exigences légales, notamment à leur caractère collectif et aléatoire. Si l’Urssaf constate la présence de clauses irrégulières, elle demande leur modification ou leur retrait. Faute d’observation dans un délai de trois mois à compter de la délivrance du récépissé ou, à défaut, à compter de la date à laquelle le texte etre en vigueur, l’accord est réputé conforme et ne peut servir de fondement à un redressement tiré de l’illégalité de ses dispositions (C. trav., art. L. 3345-3). Un litige pourrait survenir sur l’existence d’observations exprimées par l’Urssaf dans le délai, ce qui doit être prouvé par l’organisme de sécurité sociale 8.

Dépôt de l’accord adhérent à l’accord de branche. Les entreprises qui adhèrent à l’accord de branche déposent leur acte d’adhésion selon les mêmes modalités que celles qui mettent en place leur propre dispositif de participation (C. trav., art. L. 3322-9, al. 3). À compter de cette date, les exonérations fiscales et sociales sont réputées acquises pour toute la durée de l’acte d’adhésion (C. trav., art. L. 3322-9, al. 4). Ainsi, les entreprises sont protégées de toute contestation ultérieure de la conformité de l’accord de branche à la loi ; l’action en justice ne pourra pas remettre en cause les exonérations sociales et fiscales attachées au dispositif concerné (C. trav., art. L. 3345-4, al. 4). 

La répartition de la participation

Constitution de la réserve spéciale de participation

Formule de calcul. La formule légale est déterminée par la formule connue :
RSP = 1/2 (B – 5 % C) x S/VA. B est le bénéfice net fiscal calculé après clôture des comptes de l’exercice diminué du montant de l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu, C représente les capitaux propres, S correspond aux salaires, VA signifie valeur ajoutée (C. trav., art. L. 3324-1). Des textes légaux apportent des précisions sur chacun des éléments de la formule de calcul. Notamment, il est indiqué que les salaires pris en compte sont les revenus d’activité qui entrent dans l’assiette des cotisations sociales définie à l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale (C. trav., art. D. 3324-1).

La loi organise, voire restreint les possibilités de contester les éléments nécessaires au calcul de la réserve spéciale de participation. En témoigne la règle selon laquelle une attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes établissant le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l’entreprise confère une présomption irréfragable aux chiffres qui y figurent (C. trav., art. L. 3326-1, al. 1). D’ordre public absolu, la présomption légale n’est même pas écartée par la fraude ou l’abus de droit invoqué par les contestataires 9. Par ailleurs, les contestations relatives aux montants des salaires et au calcul de la valeur ajoutée sont réglées par les procédures stipulées par les accords de participation ou, à défaut, sont portées devant les juridictions compétentes en matière d’impôt. Seules les signataires de l’accord de participation sont autorisées à saisir le juge (C. trav., art. L. 3326-1, al. 2).

Une formule négociée est possible. Un accord de participation peut comporter une base de calcul et des modalités différentes de la formule légale normalement applicable, sous réserve que la formule retenue respecte les trois conditions suivantes :

• être conforme aux principes généraux de la participation ;

• être au moins aussi favorable que la formule légale de participation ;

• respecte l’un des quatre plafonds prévus par la loi.

Ces principes généraux ne sont pas clairement énumérés par le législateur, mais ressortent de la lettre et de l’esprit des textes. Il s’agit du lien avec l’activité de l’entreprise (est donc exclue toute référence à des critères ne mesurant pas l’activité de celle-ci), du lien avec les fruits de l’expansion, du caractère aléatoire de la réserve spéciale de participation, de la territorialité de l’accord (la participation doit être calculée à partir du bénéfice réalisé uniquement sur le territoire national), de l’annualité de la base de calcul (seules les recettes de l’exercice au titre duquel la participation est calculée peuvent être retenues et les charges du même exercice doivent toutes être prises en compte).

Sous réserve de respecter ces conditions, les possibilités de dérogation par rapport à la formule légale sont variées et importantes. Le critère du bénéfice net fiscal pourra ainsi être aménagé, ce critère étant un élément essentiel de la formule à définir dans la mesure où il est en lien avec l’activité de l’entreprise et les fruits de l’expansion. Sur ce point, la prise en compte du seul chiffre d’affaires ne sera pas possible puisqu’il ne témoigne pas du développement de l’entreprise (à la différence de la progression du chiffre d’affaires). Le caractère aléatoire interdira également que le bénéfice net fiscal soit remplacé par un pourcentage des salaires ou la réalisation d’objectifs prédéterminés.

Caractère aléatoire. L’exonération de cotisations sociales accordée aux sommes distribuées suppose le caractère aléatoire de la réserve spéciale de participation. Ni son existence ni son montant ne doivent pouvoir être anticipés. Dès lors qu’il dépend de la formule légale, le montant de la réserve spéciale de participation est automatiquement aléatoire. Lorsque l’accord de participation utilise une formule dérogatoire, l’Administration et la jurisprudence considèrent qu’il est impératif que l’accord soit signé avant que les résultats de l’exercice concerné soient connus, c’est-à-dire avant le premier jour du septième mois de l’exercice considéré.

Calcul et règles d’attribution de la participation

Critère de répartition. Chacun des salariés perçoit une partie de la réserve spéciale de participation. A priori, la répartition de l’enveloppe globale est calculée proportionnellement au salaire perçu dans la limite de certains plafonds (C. trav., art. L. 3324-5, al. 1). Les sommes prises en compte au titre du salaire sont les « revenus d’activité tels qu’ils sont pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale » (C. trav., art. D. 3324-10). Deux moyens sont prévus pour restreindre les écarts entre salariés. Pour rehausser la somme distribuée aux salariés percevant les rémunérations les plus faibles, l’accord de participation peut fixer un salaire plancher servant de base de calcul à la part individuelle (C. trav., art. L. 3324-5, al. 3). Pour limiter les sommes versées aux salariés ayant les rémunérations les plus élevées, le salaire servant de base à la répartition proportionnelle de la réserve spéciale de participation est limité à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) (C. trav., art. D. 3324-10).

L’accord de participation peut écarter la règle de répartition liée à la rémunération au profit d’une répartition uniforme, d’une répartition proportionnelle à la durée de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice, ou de la conjonction de ces critères (C. trav., art. L. 3324-5, al. 2). Si l’accord souhaite tenir compte de la présence du salarié dans l’entreprise, il doit préciser le sort des absences. Sur ce point, il n’a pas toute liberté puisque la loi assimile à des périodes de présence certaines absences (congé maternité, suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle…), ce qui devrait présenter un caractère d’ordre public (C. trav., art. L. 3324-6). En outre, si l’accord utilise conjointement le critère de durée de présence et le critère de rémunération, le calcul nécessite de prendre en compte les salaires qu’aurait perçus le bénéficiaire s’il n’avait pas été absent (C. trav., art. D. 3324-11).
La loi impose ainsi de reconstituer un salaire théorique sur la base duquel est calculée la répartition de la réserve spéciale de participation.

Quelles que soient les règles arrêtées, l’exonération de cotisations sociales dépend, lors de la répartition de la réserve spéciale de participation, du respect des stipulations conventionnelles 10.

Sommes distribuées. Les sommes susceptibles d’être versées aux salariés au titre de la participation ne connaissent a priori aucune limite. Toutefois, l’employeur qui espère bénéficier du régime social de faveur au titre des sommes distribuées est soumis au respect d’un plafond : le montant susceptible d’être attribué à un salarié ne peut, pour un même exercice, excéder une somme égale au montant de trois quarts du Pass (C. trav., art. D. 3324-12).
Pour le salarié dont l’ancienneté est inférieure à l’année entière, le plafond est réduit à proportion de la durée de présence dans l’entreprise (C. trav., art. D. 3324-13). Ces montants sont d’ordre public. L’accord de participation n’est pas autorisé à y déroger, même à la hausse (C. trav., art. L. 3324-5, al. 4). Si les plafonds venaient à être dépassés, l’excédent serait réintégré dans l’assiette des cotisations.

En outre, lorsque les règles de répartition n’ont pas permis la distribution de la totalité de la réserve spéciale de participation, une répartition immédiate peut être décidée au profit de tous les salariés qui n’ont pas déjà perçu une somme égale au plafond de répartition autorisé (C. trav., art. L. 3324-7, al. 1). à défaut, les sommes non distribuées restent dans la réserve spéciale de participation et pourront être distribuées au titre des exercices suivants (C. trav., art. L. 3324-7, al. 2). Elles ouvriront droit au régime social et fiscal de faveur au titre des exercices au cours desquels elles sont réparties (C. trav., art. D. 3324-14).

Disponibilité des sommes. Dans les 15 jours suivant la date à laquelle il est informé du montant qui lui est attribué au titre de la participation, le salarié peut en demander le versement total ou partiel (C. trav., art. R. 3324-21-1). L’entreprise effectue alors le versement dans les six mois suivant la clôture de l’exercice au titre duquel la participation est attribuée (C. trav., art. D.  324-21-2). Aucune exonération d’impôt sur le revenu ne profite alors au salarié.

à l’expiration du délai de 15 jours, si le salarié n’a pas formulé de demande de versement, ses droits à participation sont bloqués pendant cinq ans (C. trav., art. L. 3324-10) voire huit ans en cas de mise en place d’un régime d’autorité faute d’accord de participation (C. trav., art. L. 3323-5). Les sommes sont alors affectées à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d’un plan d’épargne salariale (C. trav., art. L. 3323-2). Si le salarié ne demande pas d’affectation particulière, les sommes sont affectées pour moitié dans un Perco ou dans un Pereco lorsqu’un tel plan a été mis en place dans l’entreprise. L’autre moitié est affectée à un plan d’épargne salariale dans les conditions prévues par l’accord de participation (C. trav., art. L. 3324-12). Pour ces sommes indisponibles, le salarié bénéficie du régime fiscal de faveur.

Enfin, la survenance d’un évènement particulier, parmi la liste de neuf évènements fixés par la loi (mariage, naissance ou adoption d’un troisième enfant, divorce, invalidité, décès, rupture du contrat de travail, surendettement…), permet de débloquer les droits à participation avant l’expiration du délai de cinq ans (C. trav., art. R. 3324-22). La liquidation anticipée intervient sur la demande du bénéficiaire, à qui un capital est versé dont la valeur est égale, selon son choix, à tout ou partie des droits susceptibles d’être débloqués (C. trav., art. R. 3324-23).

Symbole d’une possible valorisation du capitalisme par le biais de l’association capital–travail, la participation favorise une plus grande intégration de la collectivité de travail dans l’entreprise et assure une amélioration du climat social (qui est un ratio économique souvent oublié). 

1. Cass. soc., 20 déc. 2006, n° 04-16.661.

2. Cass. 2e civ., 3 juil. 2008, n° 07-17.379.

3. Cass. soc., 6 juin 2018, n° 17-14.372.

4. Comité social et économique. 

5. Cass. 2e civ., 20 juin 2013, n° 12-12.293.

6. Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-72.990.

7. Cass. 2e civ., 3 juil. 2008, n° 07-17.379.

8. Cass. 2e civ., 19 janv. 2017, n° 16-11.311.

9. Cass. soc., 28 févr. 2018, n° 16-50.015.

10. Cass. 2e civ., 17 déc. 2015, n° 14-29.191.

 

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