Notre futur ne manque pas d’avenir… à condition de former nos équipes

Présidente du CNOEC
Président du CFPC et de Sup-Expertise

La facture électronique va accélérer et renforcer l’automatisation des tâches de production. Nos cabinets vont devoir se transformer. L’adaptation des compétences est l’enjeu majeur. Le CNOEC et le CFPC se mobilisent pour l’avenir de nos cabinets.

Notre belle profession a connu de nombreux changements au cours des dernières décennies, notamment du fait des évolutions technologiques et réglementaires. Elle s’est toujours adaptée et il n’y a plus grand-chose de commun entre la façon de travailler aujourd’hui et ce que nous avons démarré dans la profession, il y a… quelques années. 

Cela dit, à bien y regarder, les fondamentaux du métier ont finalement peu évolué : les missions sont globalement restées les mêmes (essentiellement des missions de production comptable, fiscale et sociale), les clients sont globalement restés les mêmes (principalement des TPE/PME, des artisans, des commerçants…), les collaborateurs aussi sont globalement restés les mêmes (des collaborateurs généralistes, très focalisés sur la technique), le modèle économique de nos cabinets est globalement resté le même (on vend essentiellement des missions de production au forfait et on offre l’essentiel du conseil et de l’accompagnement quand on a le temps d’en faire).

Notre profession est à l’aube de profondes mutations, et c’est une bonne nouvelle !

Les mutations qui s’annoncent sont toutefois d’un nouveau genre. La profession est aujourd’hui à l’aube de profonds bouleversements : arrivée de nouveaux acteurs sur le marché, essor des robots comptables, incursions de plus en plus décomplexées des banques dans la gestion et le pilotage des TPE/PME, montée en puissance des fintech et des néobanques, évolution impressionnante et extrêmement rapide des outils d’intelligence artificielle comme ChatGPT, etc. Sans oublier, bien sûr, la facture électronique, qui deviendra progressivement obligatoire pour toutes les entreprises à compter du 1er juillet 2024, c’est-à-dire demain. 

Nous ne reviendrons pas sur les conséquences opérationnelles de cette facture électronique qui occupe une large partie des discussions au sein de la profession. Il est fondamental de bien comprendre que cette facture électronique n’est ni une problématique technologique ni une fin en soi. Grâce à l’aide des éditeurs partenaires de la profession, nous sommes convaincus que celle-ci, qui a l’habitude des évolutions technologiques, saura gérer cette transition et s’adaptera à une nouvelle technologie comme elle l’a toujours fait. L’enjeu n’est évidemment pas là. Toutefois, il ne faut pas que la facture électronique se traduise sur le terrain par une fracture professionnelle.

Une nouvelle façon d’exercer le métier 

La face cachée de la facture électronique et de tous ces outils d’automatisation réside essentiellement dans une problématique stratégique et humaine pour nos cabinets. C’est aussi le point de départ d’une nouvelle ère, d’une nouvelle façon d’exercer notre métier. 

La facture électronique et tous les outils d’automatisation qui se généralisent impliqueront moins de saisie et, à court terme, des déclarations de TVA préremplies par l’Administration. À l’heure où nous luttons tous pour trouver des collaborateurs, la facture électronique, qui va libérer un temps précieux, arrive à point nommé. Qu’elles soient choisies ou subies, la facture électronique et l’accélération de l’automatisation des tâches de production constituent une formidable opportunité pour nos cabinets de retrouver du temps, ce moteur qui nous fait si cruellement défaut. Sans compter que la perspective d’une disparition prochaine de la saisie est un puissant facteur d’attractivité pour notre profession qui en a bien besoin.  

L’automatisation, une alliée exigeante

L’automatisation de la production est clairement l’alliée de notre profession, mais une alliée exigeante, puisqu’elle impose aux cabinets de revoir en profondeur leur modèle. 

En effet, le revers de la médaille, c’est que ces tâches assurent encore une part très significative du chiffre d’affaires de la plupart de nos cabinets. Il serait bien imprudent de parier sur le fait que nos clients continueront à payer les mêmes honoraires pour des tâches prises en charge par des outils en partie mis à disposition gratuitement par l’État… 

C’est pourquoi la facture électronique n’est pas une mutation « comme les autres », comme celles que nous avons connues depuis nos débuts. Elle va certes bouleverser nos méthodes de production, mais aussi et surtout notre activité, nos missions, les compétences nécessaires à la réalisation de ces missions, notre modèle économique… Nos cabinets vont devoir passer d’un modèle de production de données au service de l’État à un modèle d’exploitation des données au service des clients. 

L’inéluctable transformation de nos cabinets

Nos cabinets vont devoir se repenser et élargir le champ de leurs missions pour compenser l’attrition du chiffre d’affaires et la baisse du niveau d’occupation de leurs équipes. Or, transformer un cabinet n’est pas chose facile. Ce n’est pas dans notre culture. 

S’il n’était pas indispensable jusqu’à aujourd’hui d’élaborer une stratégie dans un modèle d’économie de la demande (le modèle dans lequel évoluait traditionnellement la profession), le glissement vers une économie de l’offre rend clairement incontournable cette réflexion. Chaque cabinet va devoir définir son projet et embarquer son équipe dans ledit projet. 

Il n’y a naturellement pas de recette magique pour faire évoluer le modèle de nos cabinets (sans quoi, nous l’aurions tous fait depuis bien longtemps). La transformation d’un cabinet n’est pas une question de logiciels, mais de stratégie, de refonte de l’offre, d’adaptation des compétences… Or, tous ces changements ne sont pas naturels. L’adaptation de nos cabinets implique non seulement une volonté stratégique des dirigeants, mais aussi une adaptation et une implication de toute l’équipe. Le cabinet ne changera pas si son équipe n’évolue pas ! 

L’adaptation des compétences du cabinet aux nouveaux besoins est clairement le principal enjeu des prochaines années. En effet, comment réaliser ces missions si les collaborateurs ne sont pas prêts ? Comment imaginer que des collaborateurs qui ont toujours produit des comptes « justes » soient prêts à réaliser des missions qu’ils n’ont jamais apprises : accompagner les dirigeants de TPE dans le pilotage ou la gestion administrative de leur entreprise ?

La formation, pierre angulaire de la transformation de nos cabinets 

Bien sûr, les cabinets peuvent recruter de nouveaux collaborateurs pour réaliser ces fameuses « nouvelles missions ». Cependant, cette solution pose un certain nombre de difficultés, parmi lesquelles : comment trouver ces oiseaux rares, comment les attirer, comment les fidéliser et… que faire des collaborateurs actuels qui connaissent bien les clients et qui ont démontré au fil des ans leur attachement au cabinet ?

En pratique, pour la très grande majorité des cabinets, la seule véritable option consiste à accompagner les collaborateurs actuels. Dans ce contexte, l’adaptation des compétences et donc la formation des équipes deviennent clairement les principaux éléments de réponse à tous ces défis qui nous attendent. 

En outre, la formation des collaborateurs, qui permet une évolution des missions et donc des métiers, permet également de résoudre d’autres difficultés que rencontrent nos cabinets : pénurie de main-d’œuvre, manque d’attractivité, difficultés de fidélisation des collaborateurs, etc. À l’heure où les collaborateurs sont très recherchés, la formation fait clairement partie des critères de choix d’un candidat qui cherche un cabinet où il va pouvoir évoluer vers des missions à plus forte valeur ajoutée. 

Toute la difficulté réside évidemment dans l’ampleur de cette adaptation. En effet, il faut, certes, que nos collaborateurs acquièrent de nouvelles compétences techniques (pas tant que cela, en pratique), mais aussi qu’ils fassent évoluer leur comportement et leur approche du métier. 

C’est précisément l’ambition du programme Profession comptable 2030  mené par le CFPC. 

Une solution innovante pour la (trans)formation de nos collaborateurs 

En octobre 2021, le CFPC, alors présidé par Cécile de Saint Michel, a répondu à un appel à projets du Haut-Commissariat aux compétences : Deffinum (Dispositifs France formation innovante numérique). Cet appel à projets s’inscrivait dans le cadre du Plan de transformation et de digitalisation de la formation, avec pour objectif d’amplifier et d’accélérer l’intégration des apports du digital, de l’immersif et des sciences cognitives à la formation.

Le projet Profession comptable 2030 présenté par le CFPC consiste en la création de parcours de formation hybrides (distanciel et présentiel) à destination des collaborateurs de cabinets afin de les aider à faire face aux bouleversements actuels et futurs de leur métier. Ce projet a reçu un accueil positif de la part du Haut-Commissariat aux compétences, avec, à la clé, une subvention exceptionnelle de près de trois millions d’euros destinée à financer la création de ces programmes de formation innovants à destination de nos collaborateurs.

Ce programme propose aux cabinets de faire évoluer leurs équipes, souvent solidement ancrées dans leurs habitudes, pour les orienter vers une nouvelle approche du métier à travers les missions de conseil et d’accompagnement et une autre vision de la mission traditionnelle. En pratique, Profession comptable 2030 propose des parcours de formation hybrides pour aider les collaborateurs à :

s’adapter à l’évolution de leurs méthodes de travail : prendre conscience des évolutions en cours et à venir et de leurs impacts sur les cabinets et leurs postes, apprendre à travailler dans un environnement envahi par la technologie, le tout sur fond de facture électronique obligatoire ;

découvrir de nouveaux métiers et de nouvelles missions pour accompagner les dirigeants d’entreprise : les missions de full service (administratif, facturation, relance clients, accompagnement à la facture électronique, règlement des fournisseurs…), les missions de pilotage de TPE/PME (budgets, tableaux de bord, gestion de trésorerie, calcul des coûts…), les missions liées au social et aux RH, les missions liées à l’exploitation des données, les missions liées au conseil du dirigeant ou encore à la RSE ;

faire évoluer leur approche du métier et à changer leur comportement : devenir plus ouverts, plus commerciaux, plus managers, plus en lien avec les clients…

Changer sa façon de penser

Pour faire évoluer profondément nos collaborateurs, inutile de préciser que le chemin est long ! La plus grosse difficulté n’est pas tant de transmettre de nouvelles compétences que de les convaincre d’abandonner les anciennes…

Or, pour déconstruire les croyances et les habitudes des collaborateurs, les méthodes pédagogiques traditionnelles ne sont pas adaptées. C’est pourquoi Profession comptable 2030 est un programme de formation unique, tant par son ambition que par son approche pédagogique. L’objectif de ce programme n’est pas d’acquérir de nouvelles connaissances théoriques, mais bien de changer de posture, de revoir son utilité et sa relation client. 

Ce programme est très innovant. Conçu autour de parcours thématiques de plusieurs jours, il se compose de formations en ligne et de séances de regroupement. Alors que les premières sont dédiées à l’acquisition de nouvelles compétences sur une thématique déterminée, les secondes sont exclusivement consacrées à la mise en pratique, à des échanges, à des travaux de groupe, à des jeux de rôle pour pratiquer et s’imprégner des acquis.

Profession comptable 2030 est une formidable opportunité pour nos cabinets et leurs équipes de faire évoluer leurs compétences. Reposant sur des pratiques pédagogiques innovantes développées par des chercheurs en sciences cognitives, ce type de formation a déjà fait ses preuves par le passé. En 2018, l’institut de formation de la profession comptable francilienne (Asforef, devenue depuis Sup’Expertise), a en effet créé quatre parcours pour accompagner les collaborateurs dans la transformation de leurs compétences. Les résultats en matière d’évolution de leurs pratiques professionnelles et d’acquisition de nouvelles compétences ont été spectaculaires 1. 

Profession comptable 2030 sera présenté en détail lors du prochain Congrès de l’Ordre des experts-comptables (du 27 au 29 septembre 2023 à Montpellier). Nous pouvons toutefois donner, en avant-
première, quelques exemples de parcours qui seront disponibles dans les instituts régionaux de formation (IRF), à compter de septembre prochain. 

• Premiers pas en cabinet.

• Être plus performant dans les missions traditionnelles. 

• Revoir les méthodes de production à l’heure de la facture électronique. 

• Facture électronique : revoir les process du cabinet & accompagner les clients.

• Libérer l’entreprise de ses tâches administratives (full service).

• Accompagner le chef d’entreprise dans le pilotage de la TPE.

• Devenir un (vrai) manager.

• Devenir un collaborateur orienté clients.

• Travailler la « data » pour développer les missions.

• Conseiller le dirigeant pour son impôt & son immobilier. 

• Conseiller le dirigeant sur sa prévoyance & sa retraite.

• Premiers pas dans la RSE.

• Passer de la paie à l’accompagnement RH.

À chaque cabinet son offre de missions

Naturellement, tous les cabinets n’ont pas vocation à réaliser toutes ces missions. C’est pourquoi ils vont devoir travailler sur leur offre (qui ne sera pas forcément la même que celle du cabinet voisin) et mettre en place une gestion des compétences. Nombre de dirigeants de cabinets en sont conscients, mais l’expérience montre que cela nécessite du temps et des moyens, que la majorité des petits cabinets n’ont pas. 

Conscient de ce besoin d’accompagnement, le CFPC a intégré dans Profession comptable 2030 le développement d’un outil de gestion prévisionnelle des emplois et compétences conçu spécifiquement pour les cabinets d’expertise comptable et d’audit. Cet outil, qui sera présenté lors du congrès de Montpellier, a pour vocation d’accompagner les cabinets pas à pas dans le développement de nouvelles missions et l’adaptation des compétences de leur équipe.

Cet outil de gestion des compétences, qui sera accessible gratuitement à toute la profession, s’appuiera sur un référentiel de compétences professionnelles unique construit spécifiquement pour la profession comptable afin de coller le plus près possible aux spécificités des missions des cabinets 2. 

Il permettra notamment :

aux cabinets : de prendre conscience des évolutions en cours et à venir, d’adapter leur stratégie et leur positionnement, de définir leurs futures missions, d’identifier leurs besoins en compétences futures (et les moyens de les acquérir), mais aussi d’être accompagnés pas à pas dans leur démarche de transformation, que ce soit en matière de développement de nouvelles missions ou de gestion des compétences ;

aux collaborateurs : de les aider à définir leur métier de demain, de faire le point sur leurs compétences actuelles, de construire ou d’affiner leur projet professionnel et la trajectoire pour y arriver (Quelles compétences renforcer ou acquérir ? Quelles formations pour y parvenir ?), etc.

La formation des étudiants 

À l’heure où la profession connaît de sérieuses difficultés de recrutement, la formation des étudiants des différentes filières comptables est également un enjeu stratégique pour notre profession. Nous l’avons tous expérimenté dans nos cabinets. D’un côté nous peinons à attirer ces jeunes diplômés dans nos cabinets ; de l’autre, lorsque nous y parvenons, il y a souvent un fossé entre ce qu’ils ont appris sur les bancs de l’école et ce dont nous avons réellement besoin dans nos cabinets.

C’est notamment ce constat qui a conduit à la création de Sup’Expertise, l’école supérieure de l’expertise comptable, de l’audit et du conseil, par la fusion de l’IRF francilien et de l’ACE, CFA historique des métiers de la comptabilité et de la gestion en Île-de-France. En alliant donc désormais formations initiale et continue, Sup’Expertise a pour ambition de coller au mieux aux attentes et aux besoins des cabinets, en axant notamment la formation de ses apprentis sur les évolutions des pratiques professionnelles, afin que nos futures recrues ne soient plus « uniquement » des techniciens à la tête bien pleine, mais également de jeunes professionnels en mesure d’accompagner leurs clients et d’évoluer tout au long de leur carrière. 

La formation des experts-comptables 

Si nous sommes intimement convaincus que la formation de nos collaborateurs et celle des étudiants sont des passages obligés pour adapter nos cabinets, nous sommes également persuadés que cela ne suffira pas. Les consultants en conduite du changement aiment à rappeler qu’un escalier se balaie toujours par le haut. Il leur arrive d’avoir raison ! 

En effet, nous allons tous devoir appréhender et exercer notre métier différemment de ce que nous avons connu jusque-là. C’est pourquoi nous allons, nous aussi, devoir nous former à cette nouvelle façon d’exercer notre métier pour clarifier le positionnement de notre cabinet, repenser notre création de valeur, redéfinir notre offre, renforcer notre dimension managériale, nous approprier de nouveaux outils et de nouvelles façons de faire, recruter différemment, communiquer différemment…

De nombreux séminaires et parcours dédiés aux experts-comptables et/ou managers sur la stratégie, le management et la performance du cabinet sont disponibles dans les catalogues de la plupart des IRF, notamment pour les accompagner dans la dimension « Stratégie & performance » ou « Développement de nouvelles missions ».  

La formation, une clé pour relever les défis de la profession

Pour résumer, la formation (initiale et continue) sera une des clés pour relever les défis auxquels nous allons devoir faire face et pour profiter des extraordinaires opportunités que les évolutions en cours représentent pour notre profession. Comme le disait le sociologue américain Alvin Tofler, « l’illettré du futur ne sera pas celui qui ne sait pas lire, mais celui qui ne sait pas apprendre ». Ce chantier est d’envergure (et nous allons continuer de le mener avec les équipes du CFPC et de l’ensemble des IRF), mais il devra également s’accompagner d’une réflexion plus large de la part de chacun de nous sur la façon dont il envisage le futur de son cabinet : quel positionnement ? Quels clients ? Quelles missions ? Quelle organisation de ces missions ? Quels profils de collaborateurs ? Quelle politique de gestion des compétences et des carrières ? Etc. Le champ des possibles est infini pour nos cabinets, mais il va falloir faire des choix…

Oui, nous devrons, individuellement et collectivement, repenser la façon dont nous allons exercer notre métier dans les années, voire les décennies à venir. Le virage peut paraître un peu effrayant, mais le projet est palpitant et assurément porteur de beaucoup d’opportunités : pour nos équipes, nos clients et nous-mêmes, dirigeants de cabinets. Et je ne doute pas un seul instant de notre capacité à relever ensemble ce formidable défi. 

Pour échanger sur ces sujets passionnants et vous présenter les actions mises en place par vos instances afin de vous accompagner au mieux dans tous ces domaines, nous vous donnons rendez-vous notamment au congrès de Montpellier en septembre 2023 ! 

1. Pour plus d’information sur ces parcours e-coll : https://www.youtube.com/watch?v=p67ujllfTkI. 

2. Le référentiel regroupe plusieurs centaines de compétences réparties en trois grandes catégories : les compétences métiers, les compétences transverses (savoir-faire et savoir-être) et les compétences sectorielles. 

 

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