La profession comptable en Italie 

Dottore commercialista, cabinet Vignoli

Après le Québec, c’est au tour de l’Italie de dévoiler les contours de la profession comptable transalpine. Depuis 2008, la profession d’expert-comptable en Italie est exercée par deux catégories professionnelles : esperto contabile et dottore commercialista, dont l’Ordre est placé sous la supervision du ministère de la Justice.

Jusqu’en 2007, deux titres professionnels étaient attribués aux professions réglementées italiennes dans le domaine de la comptabilité, dottore commercialista et ragioniere e perito pommerciale. Depuis la réforme de 2008, la profession est articulée en deux catégories de professionnels du chiffre : • esperto contabile (section B), qui nécessite un cycle de trois ans en économie et en administration des entreprises ; • dottore commercialista (section A), université. Les experts-comptables italiens sont essentiellement les dottori commercialisti, représentant près de 99 % du nombre total des membres de la profession.

Le poids des professions libérales en Italie

La difficulté de la profession est telle qu’elle nécessite une préparation approfondie ; ceux qui souhaitent entreprendre cette activité préfèrent donc, dans la quasi-totalité des cas, la voie de la formation longue. Le nombre d’experts-comptables en Italie est plus conséquent que dans d’autres pays, mais il s’agit d’une caractéristique de l’économie italienne où les professions libérales sont très fortement représentées. En effet, l’Italie compte 245 000 avocats et plus de 150 000 architectes. Le nombre d’experts-comptables a augmenté régulièrement, mais à un rythme plus faible ces dernières années. Les experts-comptables inscrits à l’Ordre italien des experts-comptables, Consiglio nazionale dei dottori commercialisti e degli esperti contabili (CNDCEC) étaient de 119 298 au 1er janvier 2021 (soit un expert-comptable pour 500 habitants), contre 117 352 en 2015 et 112 164 en 2010. Rappelons que la France compte 21 000 experts-comptables. Il existe cependant des experts-comptables inscrits qui n’exercent pas la profession et, par conséquent, il est plus significatif de considérer le nombre d’experts-comptables payant des cotisations sociales à la caisse de sécurité sociale (CNAPDC), leur nombre s’élevant à 98 795 professionnels en 2021 contre 94 455 en 2015. Les étapes pour exercer la profession La profession est organisée en deux catégories professionnelles.  Esperto contabile (EC) – le niveau de base (section B) – équivalant à un collaborateur expé­rimenté en France. L’accès à l’exercice de la profession se fait après un cycle de 3 ans en économie et administration d’entreprise (laurea triennale). Dottore commercialista (DC) – pour la section A. Le niveau de cette catégorie de professionnels est qui celui de l’expert-comp­table français et requiert le suivi d’un cycle de 5 ans d’études dans les mêmes domaines (laurea magis­trale). Pour les postulants au diplôme de commercia­lista, une partie du stage (6 mois au maximum) peut s’effectuer pendant la dernière année uni­versitaire avec la possibilité, ensuite, d’effectuer 6 mois du stage à l’étranger. Pour obtenir le diplôme, trois épreuves écrites et une épreuve orale sont obligatoires. La première épreuve écrite comprend les matières techniques (comptabilité, audit, admi­nistration des entreprises dans les secteurs industriel, commercial et financier, analyse financière et techniques professionnelles). La deuxième épreuve est consacrée aux matières juridiques (droit privé, droit des entreprises, droit des faillites, droit fiscal et du travail) et la dernière concerne des « travaux pratiques » comme une rédaction d’acte de contentieux fiscal ou une étude sur les matières prévue pour la première épreuve. L’épreuve orale comprend toutes les matières des épreuves écrites et elle peut aussi concer­ner l’informatique, les systèmes d’information, l’économie politique, les mathématiques et les statistiques. Toutes les épreuves exigent d’obtenir la moyenne, qui en Italie est de 6/10 (ou 30/50). En cas d’échec à une épreuve, tout l’examen doit être repassé. Le candidat bénéficie de deux sessions annuelles (normalement en juin et novembre). Il s’agit de règles « ordinaires ». Pendant la période de la Covid-19, le ministère des Universi­tés est intervenu par décret, prévoyant une seule épreuve orale aux sessions 2020 et 2021, portant sur l’ensemble des sujets des quatre épreuves. L’examen est régi localement selon les circons­criptions universitaires et n’est donc pas unique au niveau national ; les commissions d’examen sont composées d’experts-comptables ayant au moins 10 ans d’expérience et d’autres experts comme les professeurs d’université ou les fonc­tionnaires de l’administration fiscale. L’inscription à l’Ordre des experts-comptables impose de compléter la formation universitaire avec un stage de 18 mois auprès d’un profes­sionnel inscrit à l’Ordre depuis au moins 5 ans. Pour devenir commissaire aux comptes : le stage de 18 mois s’applique aux commercialisti et esperti contabili. Il est nécessaire d’effectuer un stage de 3 ans.

La structure de la profession

Le grand nombre d’experts en Italie se justifie par plusieurs raisons, notamment par la taille des cabinets (souvent individuels avec un seul employé en moyenne) et le fait que certains jeunes commercialisti ont pour seul client le cabinet de(s) confrère(s) et sont presque des employés. Ainsi, les sociétés professionnelles (cabinet exerçant sous forme de société et non à titre individuel ou en association), bien qu’en forte croissance (+ 17,9 % en 2020), ne représentent encore qu’une partie minoritaire de la profession (1 184 sociétés en 2021), qui continue d’être exercée principalement par des associations professionnelles, et surtout à titre individuel, car le taux d’agrégation des commercialisti reste faible malgré des statistiques montrant clairement une relation directe entre nombre d’associés, taille du cabinet et revenu de chaque expert-comptable.

Les étapes de la formation 

Toutes ces étapes pour exercer la profession sont obligatoires : l’Italie ne reconnaît pas la voie de la « validation des acquis de l’expérience » (VAE) et n’envisage pas de l’introduire. Le rôle actif de l’Ordre dans la profession ne commence qu’avec la période de stage. En Italie, les universités jouissent d’une large autonomie et la responsabilité finale des programmes et des diplômes universitaires incombe au gouvernement, et elle est réglementée par la législation.  Les diplômes universitaires ont un statut juridique et ne peuvent être délivrés que par des universités autorisées par le ministère des Universités ; par conséquent, l’Ordre ne supervise pas la formation scolaire ni des futurs commercialisti ni des futurs commissaires aux comptes.

L’importance de l’audit en Italie

L’Italie est également le pays de l’audit. Avec 122 000 commissaires aux comptes, c’est le pays qui compte le plus d’auditeurs. Ils représentent environ la moitié des auditeurs de l’Union européenne, mais 67 % d’entre eux, malgré leur inscription, n’exercent pas l’activité d’auditeur 1. Le nombre d’esperti contabili inscrits à la section B du registre, malgré une forte croissance en 2020 (+ 259), n’est que de 1 743, et reste donc largement inférieur au nombre de dottori commercialisti. La profession est de moins en moins masculine : désormais, un expert-comptable sur trois est une femme. Alors que la proportion de dottore commercialista ou commercialiste étaient de 28 % en 2018, les femmes représentent désormais la moitié des nouveaux jeunes membres de la profession. Dans le même temps, l’activité perd de son attractivité auprès des jeunes. Les experts-comptables italiens de moins de 40 ans représentent aujourd’hui environ 18 % du total, alors qu’ils étaient près de 30 % en 2009. Ce chiffre est un signe clair du vieillissement progressif de la population italienne, mais aussi du faible nombre de nouveaux inscrits en raison d’un parcours de formation très long, avec une rémunération modeste dans les premières années d’activité et des horaires de travail très « absorbants ». Pourtant, une fois passé le cap de la formation, l’exercice de la profession peut donner de grandes satisfactions tant professionnelles qu’économiques et permet d’acquérir une expérience très importante, utile aussi pour ceux qui veulent entreprendre l’activité de manager ou de directeur administratif, financier ou juridique dans une entreprise.

Le rôle et les missions de l’expert-comptable face à la législation

L’expert-comptable italien, comme prévu par la loi 2, dispose d’un spectre d’actions très large, car il intervient dans plusieurs domaines : la gestion, l’administration et la liquidation d’entreprise, l’assistance comptable, l’audit et les certifications, le conseil fiscal et les activités dans les procédures de faillite… Par rapport à leurs confrères dans d’autres pays, les commercialisti exercent de nombreuses activités dans le domaine juridique, notamment en matière de droit des sociétés, de droit fiscal et de droit des faillites. La défense du contribuable devant le juge est ainsi assurée par le commercialista et, le terme « fiscaliste » est en Italie plus fréquemment synonyme d’expert-comptable que d’avocat fiscal. De plus, l’expert-comptable peut avoir une activité similaire à celle de commissaire aux comptes (Sindaco), mission qui diffère du commissariat aux comptes classique, car il s’occupe du contrôle légal de la société. Ainsi, afin de protéger les associés et les tiers, le collegio sindacale ou comité d’audit dispose d’importants pouvoirs et devoirs d’intervention puisqu’il veille au respect de la loi et des statuts, participe aux conseils d’administration et aux assemblées. Il a dans certains cas l’obligation de convoquer l’assemblée générale, de contester des délibérations illégitimes ou de dénoncer des irrégularités de gestion devant les tribunaux, et d’exercer l’action de responsabilité.  Si l’expert-comptable fournit souvent des conseils en matière juridique, il est plus rare qu’il s’occupe de l’établissement des bulletins de paie : dans ce domaine, le spécialiste italien est le consulente del lavoro, profession libérale spécialisée dans la gestion des relations de travail. Entreprises et professions libérales composent en grande partie la clientèle des experts-comptables italiens, mais ils travaillent aussi pour les organismes publics, les organismes sans but lucratif et les particuliers qui font appel à eux pour remplir et transmettre leur déclaration des revenus 3.  Si traditionnellement le commercialista exerce son activité à 360° sans spécialisation, depuis plusieurs années, les experts- comptables italiens optent pour une spécialisation afin de proposer des prestations à forte valeur ajoutée à leurs clients. Le processus de spécialisation a été plus récemment encouragé par le CNDCEC.  Si une spécialisation par activité est dans les cordes du commercialista depuis longtemps, la tendance à se spécialiser par secteur d’activité est, en revanche, plus récente. Afin de mettre en valeur les connaissances spécifiques des secteurs principaux de l’économie italienne (ex. : mode, tourisme, alimentation…), l’Ordre italien a lancé un projet 4, auquel ont déjà adhéré plus de 6 000 commercialisti, qui prévoit une formation dédiée, une étude du secteur et la possibilité d’obtenir l’agrégation parmi les inscrits.

L’organisation de la profession  

Le Conseil national des experts-comptables, le CNDCEC, équivalent du CNOEC en France, est l’organisme, siégeant à Rome, de représentation institutionnelle de la catégorie professionnelle des commercialisti et se compose de 21 conseillers élus parmi les inscrits. L’Ordre italien des experts-comptables est un organisme public à caractère associatif, doté d’autonomie et placé sous la tutelle du ministère de la Justice dans l’exercice de ses activités. Il s’agit d’une différence significative par rapport à la France, car le ministère des Finances italien est, au contraire, chargé des contrôles sur les commissaires aux comptes. Une autre différence avec la France réside dans l’absence d’une organisation équivalente à la Compagnie des commissaires aux comptes (CNCC) qui représente la profession Les CAC italiens sont simplement inscrits dans un registre national géré par le ministère des Finances. Dans le cadre de son rôle institutionnel, le CNDCEC : • protège les intérêts publics liés à l’exercice de la profession et les inscrits à l’Ordre ;  • favorise les relations avec les institutions et les administrations publiques ;  • émet des avis sur les projets de lois et de règlements qui concernent la profession comptable ; • adopte et met à jour le Code déontologique de la profession et régit, par le biais de ses propres règlements, l’exercice de la fonction disciplinaire au niveau territorial et national ; • évalue et approuve les programmes de formation professionnelle continue et obligatoire élaborés par les ordres locaux ; • supervise le fonctionnement régulier des conseils locaux de l’Ordre.

Les 131 ordres locaux

À l’instar de la France, les relations sur le territoire avec les experts-comptables sont gérées par les ordres locaux, très nombreux en Italie, puisqu’ils correspondent aux districts des tribunaux (131 ordres locaux). Le Conseil de l’Ordre joue aussi un rôle important en matière de formation continue, car il a la charge de la validation des cours, séminaires, écoles de haute formation ainsi que des centres de formation, du type de formation, de la durée, etc.  Il s’agit d’une compétence importante, car depuis presque 10 ans, tout expert-comptable inscrit à l’Ordre est tenu à une obligation de 90 heures de formation triennale avec une formation continue de, au moins, 20 heures par année civile. Sur ces heures de formation, 3 heures annuelles sont prévues sur des thèmes imposés par le règlement (par exemple la déontologie). En Italie, les experts-comptables ou dottore commercialista ne sont pas autorisés à exercer certaines autres professions, comme celle de notaire ou de journaliste. En revanche, leur formation est compatible avec la profession d’avocat.

Développer l’attractivité de la profession

Pour rendre plus influente la profession et la promouvoir afin qu’elle soit plus attractive, il serait important de favoriser les rencontres et les échanges avec les écoles et les universités.  Un phénomène qui se développe actuellement avec la possibilité d’effectuer un stage de 6 mois pendant la période d’études universitaires. 
1. Sole 24 Ore, 31 janvier 2022, page 13, de V. Maglione e B.L. Mazzei, « In Italia più revisori che in tuttta la UE ma il 67 % è inattivo ».
2. Décret législatif n° 139 du 28 juin 2005.
3. Les formulaires Redditi 2022 PF, pour la déclaration des revenus de l’année 2021 des particuliers, se composent de 49 pages et de 369 pages d’instructions ! 
4. Cf. ce lien de la Fondation des commercialisti : https://www.fondazionenazionalecommercialisti.it/node/1588 

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