Les règles de transfert entre stocks et immobilisations

Associé RSM France, membre du Collège de l’Autorité des normes comptables (ANC)

Le plan comptable général définit les notions d’immobilisations et de stocks. Lorsque la destination
d’un bien, définie lors de son acquisition, trouve à être modifiée postérieurement à cette acquisition, le transfert d’une catégorie d’actifs à une autre peut être requis sur le plan comptable afin de traduire ce changement d’affectation.

Le transfert d’une catégorie d’actifs à une autre n’est pas systématique et est fonction de l’utilisation prévue du bien. Il convient donc de rappeler les critères permettant de distinguer une immobilisation d’un stock, ainsi que les règles comptables applicables en matière de transfert d’un stock en immobilisations ou inversement, en s’appuyant sur des exemples concrets rencontrés en pratique.

Distinction entre immobilisation corporelle et stock

Cette distinction est essentielle, aussi bien en matière de présentation du bilan qu’en termes d’évaluation, dans la mesure où les stocks ne sont dépréciés que si leur valeur actuelle devient inférieure à leur valeur nette comptable, tandis que les immobilisations corporelles font généralement l’objet d’un amortissement.

En pratique, les deux critères de distinction suivants sont retenus.

Destination de l’actif

Une immobilisation corporelle est un actif physique destiné :

• à être utilisé soit dans la production ou la fourniture de biens ou de services ;

• à être loué à des tiers ;

• ou à des fins de gestion interne (art. 211-6 du PCG).

En revanche, un stock est un actif destiné (art. 211-7 du PCG) :

• à être vendu dans le cours normal de l’activité (ou en cours de production pour une telle vente) ;

• ou à être consommé dans le processus de production ou de prestation de services, sous la forme de matières premières ou de fournitures.

L’intention initiale d’utilisation revêt ainsi un caractère fondamental dans le classement du bien à son entrée au bilan.

Durée d’utilisation de l’actif

Une immobilisation corporelle est un actif dont l’entité attend qu’il soit utilisé au-delà de l’exercice en cours (art. 211-6 du PCG).

À ce titre, le recueil des normes comptables, par référence à l’avis CU n° 2005-D,
précise qu’une utilisation au-delà de l’exercice en cours doit être interprétée comme une utilisation d’une durée supérieure à 12 mois.

A contrario, un stock est supposé être utilisé rapidement dans le cadre du cycle de vente ou de production de l’entreprise.

Exemple (Bulletin CNCC n° 173, mars 2014, EC 2013-13) 

Dans le cadre de son processus de fabrication, une société utilise des outils supports de type forets, fraises ou joints toriques.

Certains des forets peuvent être utilisés lors de plusieurs fabrications de pièces, même différentes. Les fraises et joints toriques sont pour leur part d’usage unique.

Ces outils, achetés tout au long de l’année en fonction des besoins et opportunités, ont un prix d’achat unitaire moyen de l’ordre de 500 € HT.

Dans le cas d’espèce, si ces outillages sont utilisés pour produire des biens au-delà de l’exercice en cours, ils doivent être comptabilisés en immobilisations corporelles et amortis en fonction de leur durée probable d’utilisation.

Néanmoins, si ces outillages sont destinés à une commande spécifique ou sont utilisés en une seule fois, ils doivent être comptabilisés initialement en stocks puis en charges dès leur utilisation.

Par ailleurs, l’entité peut comptabiliser les outillages de faible valeur directement dans le compte de résultat (art. 212-6 du PCG). Cette pratique relève d’une décision de gestion.

Cas des véhicules destinés à être loués

Les actifs destinés à être loués à des tiers constituent des immobilisations corporelles (art. 211-6 du PCG).

En ce sens, le Conseil national de la comptabilité (CNC) avait confirmé à la CNCC que les véhicules acquis par une entreprise, dont l’activité est de donner ces véhicules en location auprès de particuliers ou d’entreprises, doivent être comptabilisés en tant qu’immobilisations corporelles, y compris dans le cas où ils sont utilisés pour une durée inférieure à 12 mois.

Le CNC a en effet considéré que l’utilisation des véhicules donne lieu à une consommation des avantages économiques correspondant à leur amortissement. Compte tenu de cette utilisation, le prix de cession sera différent du prix d’acquisition.

Cas des pièces de rechange (art. 213-21 du PCG)

Selon leur nature et leur destination, le PCG prévoit le classement comptable applicable aux pièces de rechange.

Ainsi, en général, les pièces de rechange et le matériel d’entretien sont comptabilisés en stocks, puis dans le compte de résultat dès qu’ils sont consommés.

Cependant, lorsqu’ils sont destinés à être utilisés sur une durée supérieure à un exercice, les pièces de rechange principales et le stock de pièces de sécurité constituent des immobilisations corporelles.

Il en est de même si les pièces de rechange et le matériel d’entretien ne peuvent être utilisés qu’avec une immobilisation corporelle. Ils sont alors comptabilisés en immobilisations.

Changement d’affectation : modalités de transfert entre stocks et immobilisations

Transfert d’un stock en immobilisation

Lorsque, après la comptabilisation initiale d’un bien en stock, il s’avère que ce bien n’est plus destiné à être vendu ; il doit faire l’objet d’un transfert dans un compte d’immobilisations corporelles, sous réserve que les autres conditions de comptabilisation et d’évaluation prévues par le PCG soient remplies.

C’est notamment le cas lorsque le bien est acquis en vue de sa revente dans le cadre de l’activité de l’entreprise, mais que les circonstances de son utilisation changent, et qu’il devient destiné à la location ou à une utilisation interne en tant qu’outil d’exploitation ou de production.

Une fois classé en immobilisations, le transfert est irréversible, et ce, même si le bien redevient destiné à être vendu ultérieurement (art. 946-60 du PCG).

En matière d’évaluation, le transfert du bien vers un compte d’immobilisations corporelles s’effectue à la valeur nette comptable, telle qu’elle figurait en stocks à la date du changement de l’affectation du bien.

Les coûts engagés postérieurement au transfert et qui correspondent à des coûts directement attribuables à l’actif, c’est-à-dire qu’ils sont nécessaires à mettre l’actif en état de fonctionner selon sa nouvelle utilisation, sont intégrés à son coût d’entrée en immobilisations.

à compter de la date du transfert, le bien est comptabilisé en application des règles afférentes aux immobilisations, notamment en matière d’amortissement et d’éventuelle réévaluation.

Exemple (Bulletin CNCC n° 157, mars 2010, EC 2009-71) 

Une société qui exerce une activité de marchand de biens a acquis un ensemble immobilier en N – 4 pour un montant de 100 dont 5 de frais directement liés à l’acquisition.

En N, l’ensemble immobilier n’a pas été revendu, et la société décide de le conserver durablement en tant qu’immeuble destiné à la location.

Postérieurement à ce changement d’affectation, et dans la mesure où la société n’a pas revendu l’immeuble dans le délai imparti pour l’application du taux réduit de droits d’enregistrement, elle a dû régler un complément de droits pour un montant de 2.

La société a pris l’option comptable d’exclure du coût d’entrée des immobilisations les droits de mutation, honoraires, commissions et frais d’actes liés à leur acquisition.

Dans ce contexte, dès lors que la société a décidé de conserver l’ensemble immobilier, initialement acquis en vue d’une revente et désormais destiné à servir de façon durable à son activité, ce bien perd son caractère de stock pour être considéré comme un élément de l’actif immobilisé.

En conséquence, ce transfert doit être comptabilisé dans un compte d’immobilisations pour sa valeur nette comptable figurant en stocks à la date du changement d’affectation, c’est-à-dire au cas présent son coût d’acquisition (prix d’achat majoré des frais directement attribuables à son acquisition), soit un montant de 100. Ainsi, les frais directement attribuables à l’acquisition de l’ensemble immobilier, initialement compris dans la valeur figurant en stocks, sont maintenus dans le coût d’entrée en immobilisations.

En revanche, le changement d’affectation du bien immobilier étant intervenu préalablement au paiement des droits d’enregistrement dus en raison du non-respect de l’engagement pris par la société, marchand de biens, de revendre l’ensemble immobilier dans les délais impartis pour bénéficier de droits à taux réduit, ces frais doivent suivre les règles comptables applicables aux immobilisations à compter de la date du changement d’affectation.

Dans ce cas particulier, compte tenu de cette chronologie des événements, et du fait de l’option comptable prise par la société, le complément de droits d’enregistrement est à comptabiliser parmi les charges de l’exercice, pour un montant de 2.

Transfert d’une immobilisation en stock 

De manière générale, lorsqu’un bien comptabilisé initialement en immobilisation est ultérieurement destiné à la vente, il ne peut faire l’objet d’un transfert en stock. Son affectation initiale en immobilisation est maintenue.

Toutefois, à l’occasion de la mise hors service d’une immobilisation, la valeur résiduelle des éléments récupérés doit être (art. 212-8 du PCG) :

• comptabilisée dans un compte spécial d’immobilisations lorsqu’ils sont destinés à être conservés pour de nouvelles installations ;

• ou transférés dans un compte spécial de stocks s’ils sont destinés à être vendus.

À ce titre, le compte 36 « Stocks provenant d’immobilisations » est utilisé pour comptabiliser en cours d’exercice les entrées en stocks d’éléments démontés ou récupérés sur des immobilisations corporelles (art. 943 du PCG).

Biens dont la destination est indéterminée à l’acquisition

Dans le cas où la destination d’un bien est incertaine à son entrée au bilan de l’entreprise, il est comptabilisé comme s’il s’agissait d’un bien destiné à être vendu. Il est ainsi comptabilisé initialement parmi les stocks.

Son affectation éventuelle en immobilisations s’effectuera ultérieurement lorsque sa destination et sa durée d’utilisation auront été fixées. Cette affectation sera alors irréversible (art. 946-60 du PCG). 

Exemple (Bulletin CNCC n° 160, décembre 2010, EC 2010-55)

Une société a pour activité la location ou la vente de matériel, qu’elle achète en l’état auprès de fournisseurs, sans transformation. Un même type de matériel peut être soit vendu, soit loué pour une durée de 12 mois renouvelable.

Les stocks de matériels sont évalués selon la méthode du coût moyen pondéré calculé à chaque entrée en stock.

En pratique, postérieurement à une acquisition, la société peut donner en location un matériel qui était initialement destiné à la vente.

Dans ce contexte, si la destination du matériel est revue par rapport à l’intention de la société prévalant au moment de son acquisition, cette modification de destination du bien doit entraîner son transfert des stocks vers un compte d’immobilisations.

Ce transfert doit être effectué pour un montant correspondant à la valeur nette comptable figurant en stocks à la date du changement d’affectation, correspondant, au cas présent, au coût moyen pondéré du matériel sorti du stock.

Par ailleurs, dans le cas où il existerait un indice de perte de valeur relatif au matériel au moment du changement d’affectation, la société devra effectuer un test de dépréciation et comptabiliser une dépréciation si la valeur actuelle du bien s’avère inférieure à son coût d’entrée en immobilisations. 

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