La profession d’expert-comptable en Belgique 

Directrice générale de l’Institut des conseillers fiscaux et experts-comptables (ITAA)
Juriste au sein du Cluster Déontologie et Discipline à l’ITAA

Depuis la loi du 17 mars 2019 relative aux professions d’expert-comptable et de conseiller fiscal, qui a concrétisé la fusion des anciens IEC (Institut des experts-comptables et des conseils fiscaux) et IPCF (Institut professionnel des comptables et fiscalistes agréés), les experts-comptables, conseillers fiscaux et comptables (comptables-fiscalistes) agréés sont désormais membres d’un institut unique, l’institut des conseillers fiscaux et des experts-comptables : l’ITAA (Institute for Tax Advisors & Accountants).

Afin de comprendre l’organisation de la profession d’expert-comptable en Belgique actuellement et les missions liées aux différents titres professionnels, il convient de revenir sur l’histoire des professions d’expert-comptable, de conseiller fiscal et de comptable.

Dès 1946, les experts-comptables belges ont cherché à se regrouper au sein d’un organisme (ou ordre) central. Ce projet s’est concrétisé en 1950 par la création du Collège national des experts-comptables de Belgique (CNECB). Le collège a été le premier à fixer des règles professionnelles fondées sur des conditions d’accès strictes et des principes moraux, esquissant ainsi les règles déontologiques. Il souhaitait maintenir l’unité de toute la profession d’expert-comptable, mais il n’a pas réussi à s’opposer à l’adoption de la loi créant I’Institut des réviseurs d’entreprise (IRE).

Un accord entre le CNECB et l’IRE a toutefois permis qu’un projet de loi visant à réformer le révisorat d’entreprises et à réglementer la profession d’expert-comptable soit élaboré. L’Institut des experts-comptables (IEC) fut alors créé par une loi en 1985. 

L’objectif initial de la profession, à savoir la protection du titre d’expert-comptable et l’organisation légale de la profession, était ainsi atteint. Hormis les personnes, physiques ou morales, qui se sont vu conférer par l’institut la qualité d’expert-comptable ou l’autorisation de porter ce titre, nul ne pouvait se prévaloir de ce titre ou faire usage de termes prêtant à confusion avec celui-ci.

En 1992, le gouvernement a reconnu le titre de comptable et a créé un troisième Institut : l’institut professionnel des comptables (IPC) pour lequel les conditions d’accès diffèrent.

Dans les années qui ont suivi, le législateur a renforcé le rôle de l’expert-comptable dans un nombre important de missions imposées par le droit des sociétés (rapports de fusion, scission, absorption, liquidation, etc.) et une distinction s’est opérée plus nettement entre les professions d’expert-comptable et de comptable.

En 1999, le Parlement a voté une loi le 22 avril confiant tant à l’IEC qu’à l’IPC la mission de surveiller le port du titre de conseil fiscal (chez les experts-comptables) ou de fiscaliste (chez les comptables).

Protéger les titres de conseil fiscal et de comptable-fiscaliste agréé

La grande innovation a été la réglementation et la protection des titres de conseil fiscal et de comptable-fiscaliste agréés, l’un des objectifs de cette réglementation étant de garantir la protection du contribuable. 

L’ensemble des titres visés par la loi du 22 avril 1999, expert-comptable, conseil fiscal et comptable (comptable-fiscaliste), étaient désormais soumis à des conditions de connaissance et à une surveillance déontologique. Cependant, à la différence des titres de conseil fiscal et de comptable-fiscaliste agréé, les activités fiscales en tant que telles n’ont pas fait l’objet d’un monopole (en d’autres termes, des prestations de services en matière fiscale pouvaient et peuvent encore en 2023 être accomplies par d’autres personnes que les membres portant les titres précités, pourvu qu’elles n’utilisent pas ces titres ou des termes pouvant prêter à confusion avec ceux-ci). 

La loi a également précisé qu’il était interdit à l’expert-comptable de porter le titre de conseil fiscal s’il est réviseur d’entreprise.

Quant à la différence entre les conseils fiscaux et les comptables-fiscalistes agréés, elle ne réside pas dans les activités fiscales, mais elle est déterminée en fonction de leur appartenance à l’un ou à l’autre des instituts, eu égard à leurs spécificités respectives.

Naissance de l’ITAA : un institut unique pour la profession comptable

L’Institute of Tax Advisors & Accountants (ITAA), né de la fusion de deux instituts historiques de la profession comptable, devient un institut unique pour les professionnels économiques (à l’exception des réviseurs d’entreprises). 

Compte tenu de plusieurs facteurs (évolutions des modèles économiques, digitalisation, etc.), les professions comptables en Belgique se sont rapprochées pour finalement se regrouper en 2019. 

La loi du 17 mars 2019 relative aux professions d’expert-comptable et de conseiller fiscal concrétise la fusion des anciens IEC (Institut des experts-comptables et des conseils fiscaux) et IPCF (Institut professionnels des comptables et fiscalistes agréés) et les experts-comptables, conseillers fiscaux et comptables (comptables-fiscalistes) agréés sont désormais membres d’un Institut unique.

Seuls les réviseurs restent attachés à un institut distinct ; mais ce dernier a établi son siège à la même adresse que les experts-comptables (certifiés) et conseillers fiscaux, et noue des liens étroits avec le nouvel institut.

La profession de comptable et de conseil fiscal : les titres belges

Actuellement, les membres de l’institut portent l’un des cinq titres suivants :

les experts-comptables certifiés 1 (anciennement « experts-comptables ») ;

les experts-comptables et fiscaux certifiés (anciennement « experts-comptables et conseils fiscaux ») ;

les experts-comptables (anciennement « comptables agréés ») ;

les experts-comptables fiscalistes (anciennement « comptables-fiscalistes agréés ») ;

les conseillers fiscaux certifiés (anciennement « conseils fiscaux »).

Cette répartition tient compte de la distinction historique entre les experts-comptables et les comptables agréés ; mais elle n’a vocation qu’à s’appliquer aux personnes qui exerçaient ces professions avant la fusion des anciens instituts et la naissance de l’ITAA.

À terme, la distinction historique disparaîtra et il n’y aura plus que deux qualités :

les experts-comptables certifiés ;

les conseillers fiscaux certifiés.

Un expert-comptable certifié peut aussi porter le titre d’expert-comptable et fiscal certifié.

Une distinction est également opérée entre les professionnels et les membres internes 2. D’une part, les professionnels sont ceux qui exercent leurs activités comme indépendant, (ils sont désignés « professionnels » par le législateur). D’autre part, les membres internes sont ceux qui exercent dans le cadre soit d’un contrat de travail, soit d’une fonction rémunérée par les pouvoirs publics (par exemple auprès de la Cour des comptes).

La profession en quelques chiffres 

Au 1er juillet 2022, l’institut comptait 11 192 membres personnes physiques, répartis comme suit :

• 698 experts-comptables certifiés ; 

• 4 315 experts-comptables et fiscaux certifiés ; 

• 1 165 experts-comptables ; 

• 3 848 experts-comptables fiscalistes ; 

• 1 166 conseillers fiscaux certifiés (parmi lesquels environ 4 000 stagiaires).

L’institut compte également plus de 8 500 membres personnes morales (sociétés agréées).

Notre secteur compte aussi quelque 20 000 collaborateurs (de cabinet).

L’accès à la profession et la formation des stagiaires

L’accès à la profession, en vue de son exercice, se fait selon les étapes suivantes :

• l’obtention du diplôme auprès du ministère de l’Enseignement ;

• les examens d’entrée (25 matières pour les candidats experts-comptables certifiés et 16 pour les candidats conseillers fiscaux) ;

• un stage de trois années minimum (correspondant à un minimum de 3 000 heures) ;

• une formation complémentaire ;

• la réussite des examens d’aptitude à l’expiration du stage.

Les modalités d’accès ne sont pas essentiellement différentes de ce qui est prévu en France.

Les anciennes formations de comptable et de fiscaliste sont désormais abandonnées. Les futurs professionnels devront suivre la même formation unique d’expert-comptable certifié ou de conseiller fiscal certifié. Les futurs stagiaires doivent avoir les mêmes diplômes et obtenir le niveau de qualification connu jusqu’à ce jour (au moment de la fusion) pour tout expert-comptable ou tout conseiller fiscal. 

Les formations actuelles donnent donc accès à deux professions/qualités distinctes : celle d’expert-comptable certifié et celle de conseiller fiscal certifié. Ces experts-comptables porteront le titre d’expert-comptable (et fiscal) certifié et ceux qui souhaitent obtenir le titre de conseiller fiscal certifié devront suivre la même formation que celle suivie par les conseils fiscaux depuis 1999.

La déontologie au cœur de la profession

La profession observe des règles déontologiques strictes concernant, par exemple, l’indépendance, le secret professionnel ou encore l’interdiction du droit de rétention. Elles s’imposent à tout membre (actuel et nouveau). 

L’institut met un point d’honneur à veiller au bon respect de ces règles et à apporter une aide pédagogique à ses membres concernant leur mise en pratique (séminaires, publications, etc.).

Les règles de déontologie en Belgique tendent évidemment à être en conformité avec les règles de l’IFAC ou de s’en inspirer dans leur application pratique quotidienne. 

L’évolution et la réalisation au sein de la profession à l’heure du digital

La profession s’est organisée pour s’adapter au monde digital. L’IEC avait mis à la disposition de tous les cabinets membres un outil d’organisation inspiré de ce que font leurs confrères hollandais : cet outil (appelé BeExcellent) permet non seulement l’organisation efficace des cabinets, mais il est aussi nourri en permanence de mises à jour ou de nouveaux textes préparés par les commissions de travail et les services de l’institut. Cet outil a évidemment été conservé au sein de l’ITAA.

Une autre réalisation importante en matière digitale est la mise à la disposition des membres d’une plateforme digitale d’échange de factures électroniques et de paiement appelée Bill to Box, laquelle permet aux membres d’offrir à leurs clients la possibilité de stocker et d’échanger leurs factures (format XML, équivalent du format français « facture + ») et de lier la Box à tout logiciel comptable ou de gestion et à toute banque. C’est une plateforme d’échange et de stockage, mais également une plateforme de paiement. Elle est multicanal, en ce sens qu’elle centralise tous les documents, quelles que soient leur forme et leur origine, et les transforme en format « intelligent ». Elle permet également au professionnel de rester au centre des flux et de recevoir copie en temps réel des factures émises ou reçues de ses clients. Le modèle mis en place en Belgique inspire actuellement plusieurs pays européens (dont la France) et africains.

La dernière application proposée par l’ITAA est eStox, un registre des actions électronique et sécurisé lancé en 2019 en collaboration avec la Fédération belge des notaires. Ce registre eStox propose un certain nombre d’avantages, si on le compare aux registres des actions « papiers » traditionnels : 

• les registres papier ne sont pas toujours à jour, signés, et peuvent facilement s’égarer. Le registre eStox permet de pallier ces inconvénients ; 

• l’enregistrement des informations concernant la structure de l’actionnariat sera réalisé par un professionnel assermenté (notaire ou expert-comptable). L’entrepreneur, l’organe de gestion, l’actionnaire et les tierces personnes (acquéreur potentiel, organisme de crédit, etc.) désirant accéder à ces données ont donc une garantie plus élevée quant à leur exactitude ;

• un lien automatique est établi entre eStox et le registre des bénéficiaires effectifs belge (UBO, obligation d’enregistrement européenne), un changement d’actionnariat ne devant être fait qu’à un seul endroit. 

1. Les experts-comptables reconnus à la date de la loi deviennent des experts-comptables certifiés et restent les seuls (avec les futurs experts-comptables certifiés) à pouvoir exercer toute mission d’attestation ainsi que toute mission d’expertise-comptable (judiciaire ou privée). Ils sont, par exemple, les seuls à partager avec les réviseurs les missions spéciales découlant du nouveau Code des sociétés et des associations adopté en 2019.

2. Cette distinction existait depuis 1985 pour les anciens experts-comptables (année de création de l’IEC) et depuis 1999 pour les conseils fiscaux. À l’époque, les professionnels (indépendants) étaient appelés « membres externes ».

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