Rencontre avec Jean-François Lamour

Double champion olympique d’escrime, ancien ministre des Sports, vice-président du groupe Ovalto

« L’édition Paris 2024 inaugure une nouvelle ère dans l’organisation des JO, en adoptant un modèle axé sur la réduction de l’empreinte carbone et la réutilisation des équipements »

RFC : Ancien ministre des Sports, double champion olympique d’escrime, vice-président du groupe Ovalto, quel est votre rôle dans l’organisation des JO 2024 ? 

Jean-François Lamour : Le groupe Ovalto est propriétaire de plusieurs entreprises, dont Paris La Défense Arena, une enceinte unique en Europe avec une capacité d’accueil de plus de 45 000 spectateurs. Située à Paris La Défense, cette arène accueille des concerts, des matchs de rugby du Racing 92, également propriété du groupe Ovalto. Dans le cadre des JO, le président du groupe, Jacky Lorenzetti, a mis à la disposition de Paris 2024 cette enceinte pour y accueillir les épreuves de natation olympiques du 27 juillet au 4 août, des finales de water-polo hommes et femmes du 5 au 11 août puis des épreuves de natation paralympiques du 29 août au 8 septembre 2024. Pour ce faire, deux piscines provisoires de 50 mètres par 25 ont été installées dans l’enceinte ; l’une servira pour les compétitions et l’autre pour les échauffements. C’est une réelle prouesse technique puisque tout cela a été installé en moins de deux mois. Le stade Paris La Défense Arena a fermé le 15 mai, après le dernier concert de Taylor Swift, et il rouvrira un mois après les Jeux paralympiques, le 15 octobre 2024.

RFC : Comment avez-vous accompagné les organisateurs, et plus particulièrement Tony Estanguet, président du COJOP ? 

J.-F. L. : Malgré leurs compétences, les équipes du COJOP 1 de Tony Estanguet ne connaissaient pas du tout l’espace de Paris La Défense Arena. En plus de la location, Ovalto fournit des compétences en matière de sécurité, de nettoyage et de restauration rapide. Bref, nous sommes des facilitateurs pour Paris 2024 et pour tous les prestataires impliqués dans l’organisation des Jeux olympiques, telles que les sociétés chargées d’installer les piscines ou encore celles en charge de la sécurité. Les équipes de Paris La Défense Arena jouent un rôle d’assistant en maîtrise d’ouvrage et elles sont présentes pour garantir le bon déroulement de l’événement grâce à leur parfaite connaissance des lieux.

RFC :  Quelles sont les spécificités des Jeux olympiques et paralympiques de Paris et les contraintes en matière d’organisation, ainsi que de sécurité, par rapport à d’autres pays ?

J.-F. L. : Dès l’obtention des Jeux en septembre 2017, Tony Estanguet a tenu, comme il le dit lui-même, à casser les codes pour organiser des Jeux modernes et respectueux de l’environnement. Les Jeux olympiques sont parfois critiqués, notamment sur leur impact environnemental et sur leur héritage jugé insuffisant. L’édition de Paris 2024 ouvre une nouvelle ère en matière d’organisation des Jeux. Elle doit être un modèle de réduction de l’empreinte carbone et de réutilisation des équipements. Et cette édition sera exemplaire, car la majorité des équipements auront une destination après les Jeux. Par exemple, le village olympique, installé entre Saint-Ouen et Saint-Denis, va devenir un nouveau quartier de ces deux communes. Des familles vont pouvoir s’y installer dès la fin des Jeux. Les piscines seront réutilisées par des communes de Seine-Saint-Denis. La notion de responsabilité sociale et environnementale a pris tout son sens dans les domaines du transport et de la restauration avec la prise en compte de consignes anti-gaspillage et de diminution du bilan carbone. De plus, la cérémonie d’ouverture en dehors du stade olympique est une grande première, permettant à un public plus large d’assister à cet événement. Ce sont tous ces aspects qui font la différence avec les Jeux précédents. Le corollaire de toute cette organisation, c’est la mise en place d’un système de sécurité ultra-performant, incluant la lutte contre les drones et la reconnaissance faciale. 

RFC : Vous êtes en charge des épreuves de natation. Comment se passe la transformation de l’arène ?

J.-F. L. : Dès le lendemain de la fermeture de Paris La Défense Arena, le 15 mai, les premiers prestataires ont commencé à installer deux bassins provisoires sur ce qui est d’habitude la pelouse du stade. Une plage a été construite à plus de 2,30 mètres de hauteur pour accueillir les vestiaires et les systèmes de filtration de l’eau. C’est une prouesse, car tout s’est fait en moins de deux mois, nécessitant un travail presque continu des équipes. Cette transformation est unique en son genre et notamment dans une enceinte aussi importante. À titre d’exemple, lors des éditions précédentes, il y avait un petit bassin d’échauffement à l’extérieur du stade. Cette fois, nous avons les deux bassins en un seul lieu. Pour les sportifs, il s’agit d’une évolution indéniable, leur offrant plus de confort. 

RFC :  Qu’avez-vous prévu pour la réutilisation et le recyclage des équipements ?

J.-F. L. : Paris 2024 a décidé que les deux piscines seront démontées et réinstallées en Seine-Saint-Denis, offrant aux jeunes habitants la possibilité d’apprendre la natation. Il s’agit typiquement d’un héritage important laissé par les Jeux. La majorité des installations telles que les tribunes seront réutilisées. Quant à l’eau des bassins, nous explorons plusieurs pistes pour la réutiliser de manière durable dans plusieurs domaines. Une chose est sûre, cette eau ne sera pas déversée dans les égouts.

RFC :  La participation aux JO est aussi une épreuve pour certains athlètes qui peinent parfois à financer leur participation, et sont contraints de faire appel à des cagnottes en ligne. Quels conseils pourriez-vous leur apporter pour qu’ils puissent se délester des aspects financiers au profit de leur entraînement sportif ?

J.-F. L. : Pour Paris 2024, l’État a mis en place des mesures de soutien financier auprès de plus de 1 000 athlètes, leur versant une indemnité de 4 000 € par mois pendant leur préparation. Cela leur permet de se concentrer uniquement sur l’entraînement. C’est une grande nouveauté ! Il n’y avait jamais eu de tel soutien. De plus, certains athlètes bénéficient de soutiens de leurs fédérations, des collectivités locales, et pour les plus connus d’entre eux, ils ont des sponsors. Il faut espérer que ce dispositif perdure et soit reconduit lors des prochaines
éditions.

RFC : L’esprit olympique qui souffle sur les JO et l’élan que suscite une telle manifestation vont-ils rejaillir sur l’attractivité de la France, son économie et son image ? Quelles sont les actions prévues ?

J.-F. L. : Accueillir les Jeux est une manière de renforcer le soft power d’un pays. Selon les états et leur régime politique, les objectifs ne sont pas toujours les mêmes. Pour la France, c’est l’occasion de démontrer notre capacité à organiser un événement mondial, de ravicer la fierté nationale et d’attirer des investissements étrangers. Les Jeux de Londres en 2012 ont montré qu’un tel événement peut avoir des retombées économiques positives et durables. La France a tout à fait la capacité d’organiser ce bel évènement même si certains Français expriment des doutes. Les Jeux olympiques seront une très belle fête populaire, avec des stades remplis. L’équipe de France olympique et paralympique a de beaux talents qui apporteront une grande fierté et de l’optimisme. C’est à l’image de ce que nous avions vécue en 1998 avec l’équipe de France de football. Après les JO, avec les victoires et le retour positif des spectateurs sur la qualité de l’organisation, nous assisterons à un rebond économique avec des retombées sur l’attractivité de la France auprès des investisseurs. Bien que les Jeux coûtent cher, le retour sur investissement sera positif. C’est une opportunité pour la France de se démarquer sur la scène internationale et de renforcer sa confiance nationale. 

Propos recueillis par Shervin Janani, directeur de cabinet de la Présidente du CNOEC.

Parcours

• Jean-François Lamour est double champion olympique d’escrime (Los Angeles en 1984 et Séoul en 1988). Il est membre de l’Académie des sports.

En 1992, Il est désigné porte-drapeau de la délégation française des JO de Barcelone.

Après avoir mis un terme à sa carrière sportive, Jean-François Lamour est d’abord conseiller technique pour la jeunesse et les sports à la mairie de Paris, puis à l’Élysée, auprès du président Jacques Chirac, avant de devenir en 2002 et jusqu’en 2007 ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative.

Jean-François Lamour est aujourd’hui vice-président du groupe Ovalto, propriétaire de Paris La Défense Arena.

1. Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP).

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