Les spécificités fiscales du e-commerce

Expert-comptable

Quelles sont les règles applicables depuis la mise en application de la directive e-commerce au 1er juillet 2021 ? Où en est-on en matière de territorialité de l’impôt sur les sociétés ?

L’Insee définit le commerce électronique comme un ensemble de « transactions commerciales utilisant l’internet ou d’autres réseaux informatiques comme l’échange de données informatisées et impliquant un changement de propriété du bien ou du service commandé ». La singularité de cette activité réside dans la localisation des opérations. Notons que cette question n’a d’intérêt qu’en présence d’une extranéité. Le e-commerce exercé en France par une entreprise française ne présente pas de particularité par rapport au commerce traditionnel.

La question des prix de transfert peut également théoriquement se poser dès que des entreprises liées réalisent entre elles des opérations. Mais, ici encore, le caractère « électronique » ne fait pas de ces entreprises une catégorie spécifique.

Ainsi, tant en matière d’impôt direct qu’indirect, la problématique essentielle est celle des opérations d’un pays à un autre. S’agissant de la TVA, ce sont les ventes à destination des particuliers qui posent des difficultés (1). Les questions liées à l’impôt sur les sociétés sont quant à elles à rattacher à la notion d’établissement stable (2) quelle que soit la qualité du client.

La TVA sur les opérations BtoC

En matière de commerce BtoB, la traçabilité des opérations est assurée par l’immatriculation de chaque acteur, son référencement sous un numéro de TVA intracommunautaire dans chaque pays où il y réalise des opérations imposables et le suivi des flux par le dépôt de la déclaration d’échange de biens ou de la déclaration européenne de services. Il en va tout autrement dans la relation BtoC où seul le vendeur est à la fois garant de la destination des biens ou des services et de la collecte de la TVA.

Parmi les ventes aux particuliers, il faut distinguer les opérations intracommunautaires d’une part et les importations réalisées grâce au site Internet de l’entreprise d’autre part. Par ailleurs, un régime spécifique existe désormais pour les opérations facilitées par des marketplaces. 

Les ventes à distance intracommunautaires et le seuil de 10 000 €

Dès la création du système commun de TVA, un régime particulier a été mis en place pour ce que l’on appelait alors les ventes par correspondance, qualifiées de ventes à distance par la directive. Ce cas de figure pose la difficulté de la collecte de la TVA sur le lieu de consommation alors même que le vendeur n’y est pas établi et qu’il n’est pas envisageable d’attendre de l’acheteur qu’il s’acquitte de la TVA auprès de sa propre administration. Dès lors, il fallait exiger du vendeur qu’il s’inscrivît dans le pays de destination pour y collecter la TVA comme s’il y réalisait une vente. Toutefois, cette lourdeur administrative était peu compatible avec la libre circulation des marchandises pour des entreprises de petite taille ou pour des opérations de faible importance vis-à-vis de certains pays. Ainsi a été créé le régime des petits opérateurs, autrement dit des entreprises qui réalisaient accessoirement des ventes de biens à des non-assujettis dans d’autres pays de l’Union européenne. 

Chaque pays a alors pu fixer un seuil allant de 35 000 € à 100 000 € en deçà duquel les ventes à distance étaient considérées comme locales, c’est-à-dire réalisées dans le pays de départ. 

Mais le développement du e-commerce a vu se multiplier les sites de petite taille augmentant fortement les flux des petits opérateurs. Il était donc nécessaire de revoir ces seuils à la baisse et, à cette occasion, de les unifier : 10 000 € pour l’ensemble des ventes à distance et prestations de services à des particuliers hors de France pour une même entreprise. C’est la principale mesure qui a été adoptée par la directive e-commerce 1 mise en application depuis le 1er juillet 2021. L’informatique aidant, il a été décidé de fournir une alternative à l’immatriculation dans chaque pays de destination par le recours possible à une formalité unique dans le pays de départ : le One Stop Shop ou guichet unique.

Cas pratique

Jusqu’au 31 décembre 2020, une entreprise française réalisait environ 50 000 € de ventes en Belgique, 80 000 € de ventes en Allemagne et 5 000 € au Luxembourg grâce à son site Internet.

Elle s’était donc immatriculée en Belgique afin d’y collecter la TVA sur ses ventes belges car le seuil d’application du régime des VAD y était de 35 000 €. Elle réalisait chaque mois une déclaration d’échanges de biens (DEB) et déclarait ses VAD exonérées en France sur sa CA3 (opérations non imposables, ligne 5). Elle collectait la TVA en Belgique.

Vis-à-vis de l’Allemagne et du Luxembourg, elle n’avait réalisé aucune formalité puisque les seuils y étaient de 100 000 €. Elle collectait une TVA française sur sa déclaration CA3 au titre de ces ventes.

Depuis le 1er juillet 2021, le seuil est de 10 000 € pour l’ensemble des ventes à distance à l’égard de l’ensemble des pays. Elle peut choisir de s’immatriculer au Luxembourg et en Allemagne afin d’y collecter la TVA sur ses ventes aux particuliers. Elle peut aussi renoncer à son immatriculation en Allemagne et opter pour le guichet unique en France afin d’y collecter la TVA due chaque trimestre aux trois pays à leurs taux de respectifs. Ces opérations ne figureront pas sur sa déclaration CA3. L’administration reversera cette TVA aux états concernés.

Attention : en renonçant à son immatriculation en Belgique, l’entreprise y perdra le droit à y récupérer de la TVA. Si elle y réalise des dépenses pour les besoins de son activité (déplacements, frais de salon, importations…), la TVA correspondante ne pourra être récupérée que par un remboursement 8e directive.

Il faut également rappeler qu’une vente à un particulier est dite « à distance » dès lors que le bien est transporté à l’acquéreur par le vendeur. Si tel n’est pas le cas, l’opération est traitée comme une vente en magasin et elle suit alors le régime de droit commun : la TVA est payée dans le pays de départ. Avant la mise en application de la directive e-commerce, la lecture stricte de cette définition permettait à certains opérateurs de contourner le régime des VAD en séparant artificiellement l’opération de transport de l’opération de vente, créant ainsi l’illusion que le bien était transporté par l’acheteur. Cette dissociation artificielle est désormais impossible. Le simple fait de promouvoir les services de livraison d’un tiers suffit maintenant à caractériser l’opération de transport par le vendeur et donc l’application du régime des ventes à distance.

Enfin, une opération de vente à distance est caractérisée par un acheminement directement entre les mains de l’acquéreur. Cela signifie que dès lors qu’un stockage intermédiaire est réalisé, le régime s’efface au profit des règles de territorialité de droit commun.

Cas pratique

Une société française réalise régulièrement des ventes au profit de particuliers allemands. Afin d’optimiser ses coûts de transport, elle fait appel à une entreprise de logistique à Hambourg à qui elle livrera des palettes de ses produits. L’entreprise de logistique livrera les clients allemands au fur et à mesure des commandes.

Les palettes partent dans un premier temps de la France vers l’Allemagne. Il s’agit d’un transfert de biens assimilé à une livraison intracommunautaire suivie d’une acquisition intracommunautaire. La livraison est exonérée et fait l’objet d’une DEB à l’expédition en France. Une acquisition intracommunautaire par l’entreprise française doit être déclarée en Allemagne.

Les ventes subséquentes aux particuliers allemands constituent des opérations locales. L’entreprise française immatriculée en Allemagne déclare ces livraisons sur sa déclaration allemande. Aucune déclaration d’échange de biens n’est produite sur ces opérations internes.

Les prestations de service BtoC

Les prestations BtoC représentent une part très importante du commerce électronique. Car rappelons-le, la livraison de biens incorporels est assimilée à une prestation de service. C’est le cas notamment des téléchargements de livres électroniques, de logiciels ou de musique. C’est également le cas des services d’abonnement, d’enseignement à distance, de voix sur IP…

La question de la localisation de ces services s’est très vite posée et a été à la base de la création du premier guichet unique de TVA, le Mini One Stop Shop ou MOSS. Comme en matière de ventes à distance, l’idée ici était de généraliser la collecte de la TVA dans le pays de consommation du service ou plus exactement là où était établi l’acheteur.

Ce régime est toujours applicable. Toutefois, au 1er juillet 2021, le recours au guichet unique, désormais commun aux livraisons de biens et aux prestations de services, s’est étendu à l’ensemble des prestations BtoC dites immatérielles.

Les ventes à distance de biens importés

Rappelons tout d’abord que la TVA à l’importation est due par le destinataire des biens. Dans une relation BtoB, la TVA fait l’objet d’une autoliquidation par l’acheteur depuis le 1er janvier 2022. Mais dans le cas d’une importation à un particulier, la TVA est en principe versée par ce dernier ou pour son compte lors du passage en douane. 

La numérisation de la logistique permet aujourd’hui des opérations totalement inenvisageables il y a seulement une décennie. Un particulier français peut se voir livrer un article en provenance de Chine directement dans sa boîte aux lettres. Ce commerce en flux direct, communément appelé « drop shipping » peut être pratiqué par des sites Internet français qui vendent des articles sans verser eux-mêmes de TVA : l’assujetti français collecte auprès de son client particulier un prix hors taxes et ce dernier verse la TVA au transporteur qui la reverse auprès de la douane. 

Jusqu’au 30 juin 2021, une double mesure d’exonération fluidifiait ce type d’opération : une franchise de droits de douane pour les envois inférieurs à 150 euros et une franchise de TVA pour les envois inférieurs à 22 euros. Ces biens pouvaient ainsi traverser les barrières douanières sans contrôle systématique puisque ne nécessitant le prélèvement d’aucune taxe. Mais c’était également une source très importante de fraude puisque la simple mention « bien de faible valeur » permettait d’évincer la charge fiscale et les redressements étaient peu probables au regard des volumes en jeu.

Pour corriger ces écarts et établir une législation propre à ces importations à destination des particuliers, il a fallu tout d’abord créer un régime spécifique des ventes à distance de biens importés (VAD BI). Le principe est de rendre un assujetti redevable de la TVA dans le pays de consommation à la place du particulier destinataire. La définition de la VAD BI est en tout point comparable à celle des VAD intracommunautaires (VAD IC) à ceci près que le bien provient d’un pays tiers, hors Union européenne.

La directive e-commerce a dans le même temps supprimé la franchise de 22 euros de sorte qu’un bien à destination d’un particulier ne peut plus entrer dans l’Union européenne sans déclencher le versement d’une TVA soit à la douane, soit auprès d’une administration fiscale. Mais l’exonération des droits de douane pour les biens d’une valeur inférieure à 150 € n’étant pas remise en cause, il a fallu créer un régime spécifique afin de maintenir ces importations facilitées.

Pour garantir la perception de la TVA auprès de l’administration fiscale plutôt qu’à la douane sur les importations de faible valeur, il a été décidé de rendre l’entreprise ayant permis cette importation redevable de la TVA à la place du destinataire. À cet effet, un système de guichet unique (IOSS : Import One Stop Shop), fonctionnant à l’instar de celui existant pour les VAD intracommunautaires, a été mis en place. En s’inscrivant sur ce guichet, l’entreprise se voit désormais attribuer un numéro spécifique, différent de son numéro de TVA intracommunautaire. C’est ce numéro qui, transmis à l’opérateur d’importation (commissionnaire, transporteur…), permet un passage en douane sans TVA pour les envois d’une valeur inférieure à 150 €. À défaut de présenter ce numéro, le bien est soumis à TVA par une procédure plus longue. L’objectif est bien évidemment de substituer ce régime de guichet à la procédure plus lourde de perception de la TVA par la douane.

Pour traduire juridiquement ces adaptations et conserver toute la logique du système commun de TVA, la directive a dû modifier la territorialité de la TVA en précisant qu’elle est due à l’administration fiscale dans le cas d’une vente à distance de biens importés d’une valeur de moins de 150 € déclarée sur le guichet unique. À défaut d’utiliser ce guichet, la territorialité de droit commun continue de s’appliquer 2 : la TVA est versée auprès de la douane.

Notons qu’un régime spécifique a été également mis en place pour les importations réalisées dans un pays de l’Union européenne autre que celui de sa consommation. L’idée est ici de garantir une perception de la TVA dans le pays de destination finale en rendant également l’assujetti qui réalise la vente redevable de la TVA à la place du destinataire quelle que soit la valeur de l’envoi. Le recours au guichet unique est ici également possible, seulement pour les envois inférieurs à 150 €. Lorsqu’une TVA est versée en douane, l’assujetti intervenant dans l’opération n’a d’autre choix que d’effectuer une demande de remboursement 8e directive pour récupérer le montant versé dans le pays de dédouanement.

Notons enfin que les biens importés directement à destination de particuliers, dédouanés dans leur pays d’arrivée et dont la valeur excède 150 € conservent leur régime actuel. La TVA et les droits sont dus par le destinataire inscrit sur le Document administratif unique lors du passage en douane.

Vente à distance de biens importés et assujettis facilitateurs

Une réforme des VAD BI de faible valeur aurait été incomplète sans y inclure les opérations réalisées par des intermédiaires. En effet, les marketplaces de type Amazon, Le Bon Coin, sont des acteurs d’envergure sur lesquels on doit pouvoir s’appuyer pour la perception de la TVA.

L’idée ici a été de leur faire collecter la TVA à l’instar de ce qui est prévu pour le régime de certains intermédiaires. Rappelons en effet qu’un intermédiaire opaque, c’est-à-dire agissant en son propre nom, est considéré comme ayant réalisé lui-même la livraison du bien. Il collecte alors la TVA en lieu et place du fournisseur réel.

Pour parvenir à une telle solution, la directive e-commerce a créé une décomposition artificielle de la vente au particulier par l’intermédiaire d’un assujetti facilitateur en deux livraisons :

• une livraison de biens à l’assujetti facilitateur (la plateforme). Cette opération ne donne pas lieu à versement de TVA ;

• une livraison au particulier par l’assujetti facilitateur dans le pays de destination soumise à TVA. Le transport est rattaché à cette vente, faisant de cette opération une VAD BI.

Cas pratique 

Une entreprise française vend des articles en provenance de Chine directement à des particuliers français, par l’intermédiaire d’une marketplace, sans stockage intermédiaire.

La marketplace facture une commission à l’entreprise française. Elle collecte la TVA sur le guichet unique. Elle restitue à l’entreprise française le montant hors taxes de la vente déduction faite de sa commission. La vente par l’entreprise française au particulier est exonérée.

La territorialité de l’impôt sur les sociétés

En matière d’impôt direct, le lieu d’exploitation détermine le lieu de versement de l’impôt. Les bénéfices réalisés par un établissement étranger d’une société française échappent donc en principe à l’impôt sur les sociétés françaises.

Notons que l’existence d’un établissement stable au sein d’une entreprise résulte bien plus souvent d’une situation de fait constatée par l’administration fiscale plutôt que d’un choix délibéré. En effet, l’entreprise consciente de disposer d’un établissement à l’étranger préfèrera, pour simplifier ses formalités, créer une entité juridique ad hoc dans ce second pays plutôt que de respecter le formalisme attaché : utilisation de comptes de liaison, dépôt d’une liasse globale, dépôt d’une liasse sans les bénéfices imposés à l’étranger… 

La présence d’un établissement redevable de l’impôt est la conséquence des principes retenus dans les relations entre la plupart des pays dont les conventions sont établies à partir du modèle de l’OCDE 3.

L’OCDE mène des travaux depuis 20 ans en vue de limiter les distorsions de traitement fiscal des bénéfices et de répartition de l’impôt entre les états. L’instance supranationale a ainsi édicté des règles en matière d’imputation d’un bénéfice à un établissement stable 4 et a défini la notion de siège de direction effective 5. Dans le cadre du projet sur l’érosion de la base d’imposition et du transfert des bénéfices (BEPS 6), elle a proposé plusieurs approches pour la taxation de l’économie numérique. Depuis 2019, elle recommande d’imposer les entreprises multinationales là ou se trouvent leurs marchés en répartissant l’assiette imposable non plus en fonction des implantations physiques des entreprises, mais en fonction de la localisation de leurs ventes. Le 1er juillet 2021, 134 des 140 États membres de l’OCDE et du G20 ont adopté une déclaration portant sur l’attribution des droits d’imposition au pays du marché (pilier 1) qui localise désormais les bénéfices au lieu de la commercialisation du produit ou du service ou au lieu de recueil des données des utilisateurs. Mais son champ d’application réservé aux groupes réalisant plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires mondial, bien qu’efficace par son impact financier, sera très réduit au regard du nombre d’entreprises concernées : 78 groupes internationaux 7. Il ne modifiera pas les règles applicables à la plupart des entreprises françaises.

Parallèlement, la Commission européenne avait proposé une nouvelle directive 8 visant d’une part à taxer les services numériques (taxe sur les services numériques, TSN ou taxe GAFA 9) des entreprises dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 750 millions d’euros (dont 50 millions d’euros dans l’Union européenne). D’autre part 10, elle avait envisagé d’élargir la définition de l’établissement stable en créant la notion de « présence numérique significative » en lieu et place de l’installation fixe d’affaires. Ce projet n’a pas été adopté, mais a inspiré un certain nombre de pays, dont la France notamment, pour la création d’une TSN dans l’attente d’un dénouement au niveau de l’OCDE puis de l’Union européenne.

La TSN a ainsi été codifiée dans le droit français par la loi du 24 juillet 2019 11 qui a institué un prélèvement de 3 %, d’une part, sur les services numériques permettant une mise en relation en vue de la réalisation d’une vente ou d’une prestation de services et, d’autre part, sur les services publicitaires ciblés s’appuyant sur la récupération de données auprès des utilisateurs. Bien que d’un champ d’application plus large que celui des nouvelles dispositions de l’OCDE, cette taxe peut toujours être qualifiée de « GAFA » en ceci qu’elle ne concerne que les groupes réalisant plus de 750 millions d’euros au niveau mondial (dont 25 millions d’euros en France) au titre de ces seuls services.

Le projet de directive du 21 mars 2018 ayant échoué, la définition de l’établissement stable reste celle qui figure dans les conventions fiscales internationales et notamment celle prévue à l’article 5 du modèle de convention de l’OCDE, c’est-à-dire « une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ». Le 2 du même article site notamment « un siège de direction, une succursale, un bureau, un atelier, une mine […] ». à la lecture des exemples ainsi fournis, par ailleurs repris par la doctrine administrative française 12, on mesure l’inadaptation de ce texte à l’économie numérique. Et si des amendements du modèle de convention en 2017 ont tenté de faire échec à la dissociation artificielle d’activités par le recours à des entités juridiques différentes, ils n’ont pas permis de donner une définition de l’établissement stable plus adaptée au commerce numérique.

Il faut préciser que ne constitue pas un établissement stable celui qui n’exerce qu’une activité préparatoire ou auxiliaire. Tel est le cas notamment d’une plateforme de stockage ou d’une plateforme de livraison. 

S’agissant du calcul des bénéfices de l’établissement stable, l’article 7 du modèle de convention OCDE les définit comme ceux « qu’il aurait pu réaliser […] s’il avait constitué une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues ».

Retenons pour l’heure qu’en l’absence d’établissement dans un pays autre que celui du siège de l’entreprise, les bénéfices sont imposés là où se trouve ce dernier. Ce n’est qu’en présence d’une installation fixe d’affaires située dans un pays autre que celui de l’établissement du siège que la territorialité de l’impôt se pose. La spécificité des entreprises de e-commerce réside dans la localisation très éparse des facteurs techniques de production, voire du facteur humain. Certaines ressources sont parfois même non localisables. À titre d’exemple, le téléchargement d’un même fichier peut démarrer dans un pays pour se terminer dans un autre pays… Ainsi, ce n’est pas tant l’existence de bureaux qui est ici recherchée, mais bien davantage l’utilisation de serveurs informatiques ou la présence de salariés et leur fonction effective.

Citons à titre d’exemple une décision 13  concernant Google Ireland Limited pour ses services de publicité « AddWords » à ses clients français. Par cette activité, Google France fournissait des conseils aux clients de Google Ireland Limited et percevait pour cela une rémunération calculée sur les dépenses qu’elle mettait en œuvre, majorées d’une marge. L’administration estimait que Google France constituait un établissement stable en France de Google Ireland Limited. Le préjudice global (IS, TVA et CVAE) portait sur 1,115 milliard d’euros. La cour a rejeté la position de l’administration fiscale dans la mesure où les salariés de Google France n’avaient pas la capacité d’engager contractuellement Google Ireland.

En dehors des opérations de mise en relation d’utilisateurs ou de vente de publicité ciblées à partir de données des utilisateurs, la question d’une territorialité de l’impôt sur les sociétés spécifique au e-commerce se pose peu. En effet, la vente de biens meubles par un site de e-commerce a même pour effet de réduire les implantations hors du territoire dans lequel se trouve le siège de l’entreprise et par là même les risques de contentieux. 

1. Directive UE/2017/2455 du 5-12-2017.

2. CGI, art. 258 I, dernier alinéa.

3. ocde.org, Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune 2017.

4. OCDE, « L’imputation d’un bénéfice à un établissement stable se livrant à des transactions qui relèvent du commerce électronique », février 2001.

5. OCDE, « Le concept de siège de direction effective : suggestions d’amendements au modèle de convention fiscale de l’OCDE », mai 2003.

6. OCDE, BEPS : rapports finaux 2015.

7. European Network for Economic and Fiscal Policy Research : https://www.econpol.eu/publications/policy_brief_36

8. Projet de directive COM/2018/148 du 21 mars 2018.

9. Google, Amazon, Facebook, Apple.

10. Projet de directive COM/2018/147 du 21 mars 2018.

11. CGI, art. 299 à 300.

 

12. BOI-IS-CHAMP-60-10-20 n° 80.

13. CAA de PARIS, 9e chambre, 25–4–2019, 17PA03067.

 

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