Les coûts de création d’un site Internet

Directeur des études comptables au CNOEC, diplômé d'expertise comptable

La comptabilisation des coûts de développement d’un site Internet à l’actif est considérée comme la méthode de référence, mais il convient d’identifier la nature des dépenses éligibles.

Les modalités de comptabilisation des coûts de création d’un site Internet sont fixées par les articles 612-1 et suivants du plan comptable général (PCG) intégrés dans le recueil des normes comptables de l’Autorité des normes comptables (ANC). Outre les dispositions réglementaires, le recueil intègre également des précisions doctrinales de l’avis n° 2003-11 du 21 octobre 2003, relatif au traitement comptable des coûts de création de sites Internet. 

Les critères d’inscription à l’actif

L’avis n° 2003-11 opère une distinction entre les sites Internet « actifs » et « passifs ». Il convient de continuer à la respecter, car seule la première catégorie peut conduire à l’inscription de dépenses au bilan. Cette séparation n’apparaît pas directement à la lecture des articles du PCG, mais à celle des dispositions de l’avis précité qui ont été reprises dans le recueil. 

Les sites Internet « passifs » correspondent, selon les précisions infra-réglementaires apportées à l’article 612-1 du PCG, à des « dépenses de création de sites Internet […] destinés à donner des informations sur l’entreprise (sites de présentation) et ne participant pas aux systèmes d’information ou commerciaux de l’entreprise (comptabilité, ventes…) ». Lorsqu’il n’est pas possible de démontrer que les sites Internet « passifs » génèreront des avantages économiques futurs distincts de ceux générés par d’autres actifs et qu’ils ne répondent pas à la définition d’un actif, les dépenses qui les concernent doivent être comptabilisées en charges. 

Dès lors, les coûts de création de sites Internet peuvent être comptabilisés à l’actif si l’entreprise démontre qu’elle remplit simultanément les six conditions suivantes : 

• le site Internet a de sérieuses chances de réussite technique ;

• l’entreprise a l’intention d’achever le site Internet et de l’utiliser ou de le vendre ;

• l’entreprise a la capacité d’utiliser ou de vendre le site Internet ;

• le site Internet générera des avantages économiques futurs ;

• l’entreprise dispose des ressources (techniques, financières et autres) appropriées pour achever le développement et utiliser ou vendre le site Internet ; 

• l’entreprise a la capacité d’évaluer de façon fiable les dépenses attribuables au site Internet au cours de son développement.

À l’inverse, lorsque l’une au moins des conditions ci-dessus n’est pas respectée ou qu’il s’agit d’un site Internet « passif », les dépenses sont comptabilisées en charges. 

Les frais maintenus en charges

Les coûts relatifs à la création d’un site Internet font l’objet d’un traitement comptable similaire à celui des frais de recherche et de développement. Ainsi, au regard de l’article 612-3 du PCG, les coûts engagés au cours de la phase de recherche préalable ne peuvent pas être comptabilisés à l’actif et doivent être inscrits au compte de résultat. En effet, il n’est pas encore possible, à ce stade, d’évaluer avec une fiabilité suffisante s’ils donneront lieu à de futurs avantages économiques contrôlés par l’entité. 

Par ailleurs, les frais de recherche comptabilisés initialement en charges, relatifs à des projets qui aboutissent à la création de sites Internet, ne peuvent pas ultérieurement être réintégrés aux coûts de développement comptabilisés à l’actif.

L’avis n° 2003-11 (commentaire infra-réglementaire de l’article 612-3) présente plusieurs illustrations de coûts de recherche préalables relatifs à la création de sites Internet et propose notamment les dépenses engagées au titre :

• des études de faisabilité ; 

• de la détermination des objectifs et des fonctionnalités du site ; 

• de l’exploration des moyens permettant de réaliser les fonctionnalités souhaitées ; 

• de l’identification du matériel approprié et des applications ; 

• de la sélection des fournisseurs de biens et de services ; 

• du traitement des questions juridiques préalables comme la confidentialité, les droits d’auteur, les marques de fabrique et le respect de la législation ;

• de l’identification des ressources internes pour des travaux sur le dessin et le développement du site. 

Les coûts éligibles à l’activation 

Les coûts engagés au cours de la phase de développement et de production de sites Internet qui peuvent être comptabilisés à l’actif à leur coût de production, si les six conditions de comptabilisation énoncées ci-dessus sont satisfaites, comprennent les dépenses relatives à : 

• l’obtention et à l’immatriculation d’un nom de domaine ; 

• l’acquisition ou le développement du matériel et du logiciel d’exploitation qui se rapportent à la mise en fonctionnalité du site. À titre d’exemples, l’avis n° 2003-11 cite les systèmes de gestion du contenu pouvant être mis à jour et les systèmes de commerce électronique, dont le logiciel de cryptage, ainsi que les interfaces avec d’autres systèmes informatiques que l’entreprise utilise ; 

• le développement, l’acquisition ou la fabrication sur commande d’un code pour les programmes (par exemple, logiciel de catalogage, moteurs de recherche…), de logiciels de bases de données et de logiciels intégrant les applications distribuées dans les programmes (par exemple, base de données et systèmes comptables d’entreprise) ; 

• la réalisation de la documentation technique (qui ne constitue pas un guide d’utilisation, selon l’avis du CNC précité) ; 

• les coûts afférents au contenu, notamment les frais induits par la préparation, l’alimentation et la mise à jour du site ainsi que l’expédition du contenu du site.

Les coûts des graphiques

Les graphiques comprennent le dessin global de la page du site (bordures, fonds et couleurs des textes, polices, cadres, boutons, etc.) qui affecte l’image et la sensation de la page. Ils demeurent en principe cohérents, indépendamment des modifications apportées au contenu.

Sur le plan comptable, les graphiques constituent un élément du logiciel ; de ce fait, les coûts de développement des graphiques initiaux sont comptabilisés comme les logiciels auxquels ils se rapportent.

L’avis n° 2003-11 précise notamment (commentaire infra-réglementaire de l’article 612-2 du PCG) que les coûts de conception graphique comprennent notamment les frais de développement de la conception graphique et de la présentation des pages individuelles sur le site, dont la création de graphiques. Le contenu vise les renseignements inclus sur le site, de nature textuelle ou graphique (les graphiques spécifiques décrits ci-dessus sont exclus). Par exemple : les articles, les photos des produits, les cartes, les citations et les tableaux constituent des formes de contenu. Le contenu peut se trouver dans des bases de données séparées.

Les sites liés

La CNCC (EC 2013-19) a examiné les modalités de comptabilisation des coûts de création d’un site Internet d’information, adossé à un site marchand dédié à la commercialisation d’articles de sport. Au cas particulier qui lui a été soumis, elle a observé que, dans l’hypothèse où les sites Internet, l’un marchand et l’autre d’information, étaient deux sites distincts, ils devaient être examinés séparément et faire l’objet d’une inscription à l’actif, si les conditions énoncées à l’article 612-1 du PCG étaient satisfaites pour chacun d’eux.

S’agissant du site d’information, la CNCC considère qu’il convient de vérifier si les conditions d’inscription à l’actif sont réunies et si les revenus publicitaires encaissés confèrent audit site une certaine rentabilité ; à défaut, les coûts engagés pour la création de ce site devraient être comptabilisés en charges.

Si le site d’information est considéré comme lié au site marchand, notamment du fait de l’absence de revenus propres, le site d’information est alors traité comme un élément du site marchand et les coûts de création de ce site font partie intégrante des coûts du site marchand. 

Les dépenses ultérieures 

Les dépenses ultérieures au titre de sites Internet engagées après leur acquisition ou leur achèvement sont comptabilisées en charges lorsqu’elles sont réalisées, sauf si les deux conditions suivantes sont réunies :

• il est probable que ces dépenses permettront au site de générer des avantages économiques futurs au-delà du niveau de performance défini avant l’engagement des dépenses ;  

• et ces dépenses peuvent être évaluées et attribuées à l’actif de façon fiable.

Il en est par exemple ainsi des adjonctions à un site de nouvelles fonctions ou caractéristiques. En effet, ces dépenses, bien qu’engagées après la mise en exploitation du site, remplissent les conditions d’inscription des immobilisations incorporelles et sont susceptibles de constituer un élément d’actif séparé.

Par ailleurs, à titre d’illustration, l’avis n° 2003-11 précité mentionne que les dépenses de la phase d’exploitation à traiter en charges comprennent notamment les opérations suivantes consistant à :

• former les salariés participant à l’entretien du site ;

• enregistrer le site auprès des moteurs de recherche ;

• effectuer les tâches administratives ;

• mettre à jour les graphiques du site ;

• effectuer des sauvegardes régulières ;

• créer de nouveaux liens ;

• vérifier que les liens fonctionnent normalement et mettre à jour les liens existants ;

• procéder à des révisions de routine de la sécurité du site ;

• effectuer l’analyse d’utilisation ;

• engager la redevance annuelle de l’utilisation du nom de domaine. 

Les principales dispositions fiscales

Au regard des dispositions présentées dans le BOFiP (BOI-BIC-CHG-20-30-30, n° 170) les dépenses exposées dans le cadre de la phase de recherche préalable font l’objet d’une déduction immédiate sur le plan fiscal.

En revanche, les dépenses engagées dans le cadre de la phase de développement et de mise en production du site doivent, à l’exception de celles relatives à l’obtention et à l’immatriculation d’un nom de domaine, être assimilées sur le plan fiscal à des dépenses de conception de logiciels utilisés pour les besoins propres de l’entreprise.

Ainsi, lorsque les dépenses en cause sont immobilisées, l’entreprise peut, si elle fait le choix de la déduction immédiate sur le plan fiscal, conformément aux dispositions du I de l’article 236 du Code général des impôts :

• constater une dotation aux amortissements sur la valeur totale du site, dès la clôture de l’exercice au cours duquel les dépenses ont été inscrites à l’actif ;

• et porter au compte d’amortissements dérogatoires la différence entre cette valeur et le montant de la dotation correspondant à l’amortissement comptable. 

Il convient de noter que ce choix est effectué globalement pour chacun des sites créés et qu’il constitue une décision de gestion opposable à l’entreprise.

Si la réalisation du site par l’entreprise nécessite l’acquisition de logiciels spécifiques, ceux-ci peuvent être amortis dans les conditions prévues pour les dépenses d’acquisition d’un site. Ces principes sont également applicables aux dépenses d’adaptation d’un site existant.

Les dépenses engagées au cours de la phase d’exploitation, qui incluent la formation du personnel, sont assimilables à des frais de maintenance ou d’actualisation, qui doivent être déduits du résultat au titre de l’exercice au cours duquel ils sont engagés. Il en est de même des frais engagés par l’entreprise pour faire répertorier son site Internet sur des sites annuaires ou des moteurs de recherche qui s’apparentent à des dépenses de publicité.

En revanche, dès lors qu’elles se traduisent par une modification des caractéristiques essentielles du site, par exemple par l’adjonction de fonctions ou de caractéristiques nouvelles, les dépenses engagées au cours de la phase d’exploitation doivent être analysées comme la création d’un nouveau logiciel et suivre le régime décrit ci-dessus.

À titre d’exemples, il en est ainsi lorsqu’une entreprise :

• transforme un site de simple présentation de ses activités en un site de commerce électronique permettant la prise de commandes ; 

• adapte pour ses besoins propres un site acquis auprès d’un tiers. 

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