Être l’expert-comptable d’un e-commerçant

Expert-comptable, formateur et conférencier

L’expert-comptable d’un e-commerçant se positionne au cœur de l’économie et en phase avec les évolutions numériques de ses clients. Quels sont les points de vigilance dans l’accompagnement de la mission ?

Le e-commerce recouvre les métiers de la vente en ligne, mais n’est pas à lui seul un secteur d’activité. Le rôle de l’expert-comptable consiste donc à maîtriser à la fois les spécificités du secteur d’activité de son client ainsi que les spécificités du canal de vente en ligne. Les points de vigilance se distinguent en deux grandes catégories : ceux inhérents au canal de vente sur Internet, les points comptables et enfin les points en matières fiscale et juridique. Son accompagnement se valorise dès le projet de création du site, notamment au moment de la rédaction du cahier des charges, et se poursuit tout au long de la vie de l’entrepreneur.

Les points de vigilance liés au canal de vente sur Internet

Le système d’information 

Le système d’information fait partie intégrante de l’organisation des sociétés de e-commerce. Le site Internet s’apparente au système de gestion interne du client. L’expert-comptable s’entretient avec le client sur la situation de son système d’information. Il doit prendre en compte les points suivants : 

• quelles sont les activités administratives et de gestion traitées automatiquement par le site Internet ;

• l’interopérabilité est-elle maîtrisée entre les systèmes de gestion et le système comptable ;

• quel est le niveau de détail du cahier des charges en matière d’extractions comptables et financières.

En pratique, l’expert-comptable identifie les points de vigilance liés au système d’information pour comprendre les processus informatiques, puis valider s’il peut ou non utiliser en aval les données issues des systèmes du client.

L’automatisation des activité administratives et de gestion du site de e-commerce est essentielle pour la continuité d’exploitation de l’entité ; celle-ci étant par nature en activité commerciale 24h/24. Parmi les activités à cibler, l’expert-comptable identifie par exemple la production automatisée des factures de vente, la réalisation d’un inventaire permanent, ou encore le rapprochement entre les bons de commande et les factures.

L’interopérabilité des systèmes renforce également l’automatisation des tâches et limite les risques d’erreurs.

Le cahier des charges est un document intéressant à collecter par l’expert-comptable au démarrage de son intervention. Il révèle au professionnel le niveau de qualité des extractions cibles utiles pour la comptabilité.

En lien direct avec l’analyse des systèmes d’information, l’expert-comptable s’interroge également sur la sécurisation des données et des flux du site.

La sécurisation des données et des flux

Les flux du site e-commerce entrent dans le champ des données à caractère sensible. L’expert-comptable évalue la connaissance du client en matière de respect du RGPD. Il interroge également l’e-commerçant sur les éléments spécifiques au canal :

• quel est le degré de sécurisation des données à caractère bancaire sauvegardées sur le site e-commerce ;

• le client a-t-il souscrit à une assurance « data risks » ;

• la perte de continuité d’exploitation en cas de défaillance du système. 

En pratique, l’expert-comptable sensibilise le dirigeant sur le lien direct entre la sécurité de son site e-commerce et sa continuité d’exploitation, tout en lui rappelant les risques de piratage, de virus ou de défaut de connexion en tant que TPE.

En effet, lors de la défaillance du site Internet, deux situations néfastes se cumulent : aucun client ne peut effectuer d’acte de vente et l’image du site est fortement dégradée.

Au-delà des points de vigilance liés à la présence du site sur Internet, il convient de distinguer les spécificités de la vente en ligne et les spécificités sectorielles du client.

Les spécificités du secteur d’activité du site 

De manière générale, toutes les règles de droit commun s’appliquent aux e-commerçants. Les règles spécifiques au secteur d’activité également. Il convient d’évaluer les informations en matières comptable, fiscale, sociale et juridique.

En pratique, il est important que l’expert-comptable rappelle les principes fondamentaux de droit commun et les spécificités sectorielles au client. Ces particularités s’ajoutent aux problématiques de gestion du canal de e-commerce et sont à prendre en compte dans la structuration du site de e-commerce.

Le choix des outils et des prestataires

Il est important de rappeler les choix des outils et des prestataires et de revenir sur les questions suivantes :

• le site Internet actif est-il réalisé en interne ou par un prestataire de services ;

• quel CMS de conception du site est utilisé pour la création du site ;

• quelles solutions sont utilisées pour réaliser les paiements en ligne. 

En pratique, le choix du prestataire a un impact sur le volume des ventes, et donc sur la valorisation du chiffre d’affaires prévisionnel et réel. Le choix des prestataires a également une incidence lors de la valorisation du site Internet, au moment de l’intégration dans l’entité ou pour une éventuelle cession à un tiers.

Les points de vigilance sur les plans comptable, fiscal et juridique

Les deux premiers outils de pilotage de l’e-commerçant en activité sont le prévisionnel de trésorerie et la valorisation du chiffre d’affaires.

Le prévisionnel de trésorerie et le chiffre d’affaires

L’expert-comptable alerte dès le démarrage de l’activité sur la nécessité de suivi régulier de ces deux indicateurs. Lors d’un l’élaboration de son reporting, il évalue la qualité des informations transmises en se posant notamment les questions suivantes :

• le prévisionnel de trésorerie prévoit-il l’éventuel impact de l’utilisation du délai de rétractation par les clients ;

• le prévisionnel prévoit-il les éventuels décalages de trésorerie liés à l’utilisation des porte-monnaie électroniques ;

• le prévisionnel de trésorerie prend-il bien en compte les effets de TVA à l’international et les spécificités de liquidation liées à l’e-commerce ;

• le chiffre d’affaires est-il valorisé de manière fiable ? Quels sont les documents et justificatifs permettant de s’assurer de sa cohérence avec les systèmes de gestion.

En pratique, l’expert-comptable s’appuie sur l’analyse de la qualité des flux réalisée précédemment pour valider la cohérence des flux comptables. Si l’expert-comptable accompagne le client dès la phase de projet du site Internet, il conseille l’e-commerçant sur la nature des flux nécessaires à extraire régulièrement du site Internet.

Le professionnel peut également auditer la qualité de l’extraction en aval, en s’assurant de l’existence a minima des champs suivants : date du flux, libellé de l’opération, montants hors taxes, TVA et TTC, pays de provenance du client, nature du client (BtoB ou BtoC) et numéro de commande.

Par ailleurs, l’analyse prévisionnelle de la trésorerie est un facteur de conseil fort pour l’expert-comptable. Plus le prévisionnel est précis, plus l’analyse stratégique qui en découle sera intéressante. 

L’analyse de la cohérence du chiffre d’affaires constitue pour l’expert-comptable une première étape de la démarche de rapprochement entre les flux comptables et les flux de gestion.

Les rapprochements entre comptabilité et gestion

L’expert-comptable alerte le client à ce stade sur la nécessaire cohérence entre la comptabilité et les informations présentes sur son site Internet. En collaboration avec le client, il étudie les questions suivantes :

• quels indicateurs comptables sont disponibles à la lecture sur le site e-commerce ;

• ces indicateurs sont-ils en cohérence avec les informations comptables réalisées par le cabinet ? à défaut, pour quelles raisons ; 

• le client dispose-t-il d’un logiciel de gestion de la relation client (CRM). Si oui, quels indicateurs comptables sont disponibles ?

En pratique, les analyses de réciprocités sont à réaliser tout au long de la gestion comptable de l’entité, et non uniquement au moment de la clôture de l’exercice.

Ainsi, l’expert-comptable propose au client une double qualification des données : il s’assure d’une part de la cohérence des informations comptables saisies, et des indicateurs produits à partir de la comptabilité. Il justifie d’autre part les éventuels écarts et incohérences des indicateurs présents sur le site Internet, afin que le client puisse les utiliser pour piloter son entité au quotidien.

Au cours de la vie du site Internet, l’e-commerçant est également confronté aux évolutions fiscales liées à son canal de vente en ligne. 

Le suivi de l’actualité fiscale en matière de TVA

L’expert-comptable sensibilise tout d’abord son client sur le fait que l’actualité fiscale a un impact direct sur son organisation et sur la gestion de son système d’information. En effet, les données et les flux générés par l’activité doivent prendre en compte les évolutions fiscales et réglementaires, et en particulier au niveau de la TVA.

Les questions à se poser et/ou à poser au client sont les suivantes :

• les ventes réalisées par le client entrent-elles dans le champ des règles spécifiques en matière de TVA (prestations de services en ligne, vente de biens BtoC en ligne…) ?

• si oui, le client a-t-il connaissance des nouvelles règles applicables en matière de TVA, et des évolutions majeures de celle-ci juillet 2021 ? 

• le client (ou son prestataire informatique) a-t-il pris les dispositions nécessaires pour faire évoluer le site Internet en lien avec ces évolutions ?

En pratique, l’expert-comptable adopte une réelle position de traducteur entre la pratique opérationnelle de vente en ligne et les règles fiscales très évolutives actuelles.

En effet, le mode de fonctionnement du professionnel du chiffre évolue en fonction de l’organisation du client. Si ce dernier bénéficie d’une gestion des flux du site optimale et validée par l’audit préalable, l’expert-comptable évalue la correcte application fiscale des règles « par les données ».

À titre d’exemple, la variable liée à la nature du client (BtoB ou BtoC) amène l’expert-comptable à vérifier si la règle est correctement appliquée.

La variable du pays du client est également utile pour le calcul des seuils d’application. L’expert-comptable s’interroge d’ailleurs sur la manière dont est défini le pays du client (pays de livraison ou de facturation, adresse IP de l’appareil, localisation de la banque du client…).

L’expert-comptable est également vigilant pour son client dans le cadre des évolutions légales et réglementaires liées au canal de vente en ligne.

Le suivi de l’actualité juridique liée au e-commerce

Du point de vue juridique, l’expert-comptable vérifie la correcte application des règles d’un point de vue organisationnel et opérationnel. En découlent les questions suivantes :

• le client bénéficie-t-il des conseils d’un avocat pour assurer la qualité de ses contrats et conditions générales de vente ;

• le client est-il sensible aux aspects liés à l’atteinte au nom de domaine, aux risques de contrefaçon, ou encore au respect des droits antérieurs ;

• le client a-t-il conscience des répercussions pratiques liées aux contraintes réglementaires du canal e-commerce.

En pratique, l’expert-comptable crée à nouveau le lien entre le quotidien de l’e-commerçant et l’application des dispositions légales.

Prenons à titre d’exemple le délai de rétractation, fixé à 14 jours depuis la loi Hamon. L’impact pour l’e-commerçant est le suivant : le chiffre d’affaires et la trésorerie liée à la vente ne sont pas assurés tant que le délai de rétractation n’est pas échu.

En conséquence, l’expert-comptable sensibilise le client sur les risques de continuité d’exploitation en lien avec cette règle, et notamment au démarrage de l’activité.

 

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