Comptes consolidés : bilan et perspectives
- janvier 2025
- Numéro : 593
- Thématique(s) : consolidation des comptes
Au cours des deux dernières décennies, des évolutions importantes ont eu lieu au niveau des référentiels français et internationaux et plus récemment en matière d’information extrafinancière.
Au cours des vingt dernières années, des changements majeurs ont marqué les référentiels français et internationaux, notamment en ce qui concerne l’information extrafinancière. Bilan de la situation actuelle, enjeux et évolutions récentes des comptes consolidés et perspectives avec des experts.
Le référentiel IFRS pour l’établissement des comptes consolidés
En matière de normes IFRS, deux étapes structurantes ont marqué des changements profonds dans les règles internationales de consolidation.
En 2010, la révision de la norme IFRS 3 « Regroupements d’entreprises » a apporté des changements 1 en matière de détermination de l’écart d’acquisition (goodwill) avec principalement :
• l’exclusion du coût d’acquisition des titres dans le calcul du goodwill, l’enregistrement des frais d’acquisition en charges de l’exercice contrairement aux règles françaises ;
• en cas d’acquisition par étapes, la réévaluation de la participation initiale à la date de contrôle effectif, avec comptabilisation du profit ou de la perte correspondant en résultat ;
• la comptabilisation en capitaux propres avec modifications des parts respectives du groupe et des minoritaires des variations des intérêts dans une filiale sans perte de contrôle (ex. : rachats de minoritaires) ;
Enfin, IFRS 3 révisé a introduit, pour chaque acquisition, une option entre la méthode du goodwill partiel et celle du goodwill complet, c’est-à-dire avec dégagement d’un goodwill sur la part des intérêts minoritaires. Il s’agit là d’une option propre au référentiel IFRS dont Kada Meghraoui présente, dans ce dossier spécial, les principales différences avec la méthode usuelle du goodwill partiel.
En 2014, le « pack consolidation IFRS » est entré en application en France suite à son adoption par l’Union européenne. Il s’agit du jeu des trois normes IFRS 10, 11 et 12 suivantes 2 :
• IFRS 10 « États financiers consolidés », remplaçant en particulier les dispositions d’IAS 27 relatives aux états consolidés en modifiant notamment le concept de contrôle ;
• IFRS 11 « Partenariats », remplaçante d’IAS 31, mettant l’accent en particulier sur les droits et obligations de l’accord plutôt que sur leur forme juridique et sur l’utilisation d’une méthode unique de consolidation pour les joint-ventures (coentreprises), à savoir la mise en équivalence (suppression de l’intégration proportionnelle pour ce type de partenariat) ;
• IFRS 12 « Informations à fournir sur les intérêts détenus dans d’autres entités », « nouvelle norme » regroupant l’ensemble des informations à fournir relatives aux participations.
Dans le cadre d’un contrat de recherche avec l’ANC 3, notre étude d’impact du « pack conso » IFRS a montré en substance qu’IFRS 11 a constitué un des changements les plus impactants, s’agissant de ces « nouvelles » normes de consolidation IFRS 4. À cet égard, Frédéric Pourtier traite, dans son article, de manière approfondie, de la consolidation des coentreprises selon IFRS 11 avec l’application obligatoire de la méthode de la mise en équivalence.
Depuis 2014, indépendamment du « pack conso », quelques évolutions normatives sont à noter avec IFRS 9 (Instruments financiers) et IFRS 15 (Produits des activités ordinaires tirés des contrats conclus avec les clients), applicables depuis 2018, et IFRS 16 (Contrat de location) depuis 2019 5. Par ailleurs, une version révisée du cadre conceptuel est applicable depuis 2020 dans les entités.
Le référentiel français de consolidation
S’agissant des normes françaises de consolidation, nous retenons ici un jalon majeur avec l’homologation du règlement ANC 2020-01 relatif à l’établissement des comptes consolidés, entré en vigueur depuis 2021 et venu remplacer le fameux règlement CRC 99-02 qui est resté en application pendant plus de 20 ans (2000-2020).
Pendant sa période d’application du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2020, le règlement CRC 99-02 a fait l’objet d’évolutions notables avec, notamment, deux modifications importantes : l’actualisation en 2006 suite au règlement ANC 2005-10 et la modification du traitement des goodwills en 2016 et de la méthode dérogatoire en 2017, suite aux règlements ANC 2015-07 et 2016-08, résultant de la transposition de la directive comptable unique 2013/34/UE 6. En remontant encore plus avant dans le temps, Didier Bensadon revient sur une analyse de la loi du 8 mars 1943 relative aux participations réciproques. De son côté, Eric Vilmint évoque les spécificités de l’audit des comptes consolidés, incluant plus récemment la norme ISA 600 révisée applicable pour les audits de groupe.
Applicable aux exercices ouverts à partir du 1er janvier 2021, le règlement ANC 2020-01 sur les comptes consolidés a introduit plusieurs changements, en particulier en matière de méthodes comptables « groupe » 7. Celles-ci sont désormais des méthodes issues des règlements ANC applicables dans les comptes individuels sous réserve de l’application de méthodes obligatoires ou optionnelles issues du règlement ANC 2020-01 sur les comptes consolidés. En outre, il est possible d’appliquer, en consolidation, des méthodes différentes de celles des comptes individuels des entités (y. c. mère consolidante) dès lors que l’ANC prévoit des méthodes alternatives. Ainsi, le règlement ANC 2020-01 a supprimé les méthodes préférentielles du CRC 99-02 (§ 300) pour introduire des méthodes obligatoires et optionnelles en consolidation 8. En outre, les états financiers ont été harmonisés avec quelques évolutions mineures par rapport au règlement CRC 99-02 réservé aux entreprises industrielles et commerciales.
L’évolution des méthodes comptables en consolidation française est susceptible d’avoir des impacts sur les principaux agrégats financiers (EBITDA, dette nette, etc.), en particulier, pour les groupes n’appliquant pas jusqu’ici les méthodes préférentielles et/ou les méthodes de référence PCG devenues désormais obligatoires. Dans ce dossier, nous pointons précisément les particularités de l’analyse financière des comptes de groupe en mettant en exergue non seulement la notion de groupe, mais également les différences de méthodes comptables applicables entre comptes individuels et consolidés établis en règles françaises ou internationales.
L’information extrafinancière consolidée
En matière d’information extrafinancière consolidée, une première étape a été franchie avec la fameuse « DPEF » en 2017 applicable dans certains groupes. Dès 2024/2025, la directive CSRD vient remplacer celle-ci par un rapport de durabilité qui s’appliquera progressivement à un grand nombre de groupes cotés et non cotés et de tailles variables.
Depuis le 1er septembre 2017, la déclaration de performance extrafinancière (DPEF) 9 est obligatoire pour les sociétés cotées et non cotées d’une certaine taille. Plus exactement, il s’agit des SA cotées et non cotées dépassant 100 M€ de total de bilan ou de CA (ramené à 20 M€ de total bilan et 40 M€ de CA pour les sociétés cotées) et 500 salariés. Celles-ci doivent fournir dans leur rapport de gestion des informations de nature sociale et environnementale au sein de la DPEF (art. L. 225-102-1) 10.
Aussi les groupes sont-ils tenus de publier une « DPEF consolidée » dès lors que l’ensemble des entreprises du périmètre de consolidation dépasse les seuils précités. Dans ce cas, les informations de la DPEF portent sur l’ensemble des entités consolidées. La DPEF doit comprendre une description des principaux risques inhérents à l’activité et des politiques appliquées correspondantes avec résultats et indicateurs de performance (art. R. 225-105).
D’application progressive entre 2024 et 2028, le rapport de durabilité devra être établi conformément aux normes européennes d’information durable (ESRS) incluant le principe de double matérialité et une vérification externe par un auditeur habilité. Dès 2024, ce nouveau reporting extra-financier va remplacer la DPEF pour les groupes cotés employant plus de 500 salariés et ayant plus de 50 M€ de CA ou plus de 25 M€ de total bilan. À compter de 2025, il va concerner les groupes cotés et non cotés d’une certaine taille (dépassant deux des trois critères suivants : CA groupe > 60 M€ ; total bilan consolidé > 30 M€ ; effectif > 250) avant de s’étendre aux PME cotées en 2026. Comme l’évoque Christophe Marion dans son article, il s’agit véritablement d’une nouvelle consolidation pour laquelle les consolideurs doivent relever le défi de l’information sociétale et environnementale (ESG) consolidée.
Qu’il s’agisse de reportings financier ou extra-financier consolidés, la question de leur utilité pour les organes de gouvernance des sociétés reste cruciale comme le souligne Patrick-Hubert Petit dans sa contribution.
1. Ces changements ont introduit de nouvelles divergences avec les règles françaises en matière d’acquisition progressive, de rachats de minoritaires et de calcul du goodwill (frais d’acquisition de titres et option du goodwill complet).
2. Cf. E. Tort, L’essentiel de la consolidation des comptes, Gualino, 5e édition, 2023.
3. Étude d’impact du pack consolidation IFRS co-dirigée par E. Tort et F. Lantin, contrat de recherche avec l’ANC au sein du Laboratoire Magellan et du CREM, rapport 110 p., avril 2018, www.anc.gouv.fr.
4. E. Tort, F. Lantin, « Étude du pack consolidation IFRS », Revue Française de Comptabilité, dossier recherche comptable, n° 573, mars 2023.
5. Publiée en avril 2024 par l’IASB, IFRS 18 sur les états financiers devrait remplacer IAS 1 à compter de 2027 sous réserve d’homologation dans l’UE.
6. Pour plus de détail, Cf. E. Tort, « Évolution du règlement CRC 99-02 relatif aux comptes consolidés au cours de la dernière décennie (2005-2016) », Revue Française de Comptabilité, n° 513, octobre 2017.
7. Pour une présentation détaillée, E. Tort, « Règlement ANC n° 2020-01 du 6 mars 2020 relatif aux comptes consolidés », Revue Française de Comptabilité, n° 542, mai 2020, et « Les règles sur les comptes consolidés bientôt modifiées », Revue Française de Comptabilité, n° 540, mars 2020.
8. E. Tort, « Règlement ANC 2020-01 : quelle évolution sur les comptes consolidés », Revue Française de Comptabilité, n° 567, septembre 2022.
9. Cf. E. Tort, « Reporting extra-financier : la déclaration de performance extrafinancière (DPEF) », Option finance n° 1506 du 15 avril 2019, p. 54-55.
10. Parmi celles-ci figurent, pour les sociétés cotées uniquement, les engagements sociétaux en faveur du respect des droits de l’homme et de la lutte contre la corruption.